Biennecommune
Version du: 23.01.2018
Vue de la ville de Bienne au début du XIXe siècle. Aquarelle de Johann Joseph Hartmann (Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett, Inv. 1927.133; photographie Martin Bühler).
[…]
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Comm. BE, distr. de B. Ville au pied sud du Jura et à l'extrémité orientale du lac de B. La commune a incorporé Vigneules en 1900, Boujean en 1917, Madretsch et Mâche en 1920. 1142 apud Belnam. All. Biel, it. aussi Bienna, rom. Bienna. L'ancien noyau urbain occupe un éperon rocheux entre le lac et les gorges du Taubenloch creusées par la Suze (all. Schüss). Les quartiers récents s'étendent dans la plaine de la Suze, canalisée dès 1833. Centre industriel (horlogerie et mécanique de précision) dès le milieu du XIXe s., B. est maintenant aussi une ville de services et d'écoles. Langues officielles: allemand et français. Chef-lieu de district dès 1832.
Population de la commune de Biennea
Année | 1770 | 1818 |
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Habitants | 1 698 | 3 589 |
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a Habitants des communes incorporées inclus dès 1770
b Habitants et nationalité: population résidante; langue et confession: population présente
c Habitants en 2000: 48655; les chiffres par catégories ne sont pas encore disponibles au moment de la rédaction
d Y compris catholiques-chrétiens de 1880 à 1930
Population de la commune de Bienne - Office fédéral de la statistique; Office de la statistique de la Ville de Bienne
De la Préhistoire au Moyen Age
Du Néolithique à l'époque romaine
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
La région des trois lacs est depuis le Néolithique une zone d'habitat privilégiée, comme en témoignent les stations littorales de Nidau et Lattrigen, le site celtique de La Tène, les oppida du Mont Vully et du Jensberg, les vici de Petinesca (comm. Studen) et de Salodurum (Soleure), ainsi que de nombreuses villae. On n'a pas trouvé de vestiges préromains sur le territoire urbain. La ville médiévale occupe au pied du Jura un cône de tuf façonné par les eaux de la Brunnquelle ou Römerquelle; cette source où l'on a découvert en 1846 des monnaies du Ier s. av. J.-C. au IVe s. apr. J.-C. était un lieu de culte gallo-romain, mais il est purement hypothétique de dire que le dieu celte des sources, Belenus, y était honoré et qu'il aurait donné son nom à la ville. De même l'existence d'un castrum du Bas-Empire sur le site du château n'est pas prouvée. On a mis au jour des vestiges de maisons romaines à l'est de la ville médiévale.
Moyen Age
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Le Seeland se trouvait au haut Moyen Age à la limite du royaume de Bourgogne. Les Alamans, arrivés peut-être dès la fin du VIe s. ou plus vraisemblablement au VIIe s., ne devinrent majoritaires dans la région de B. qu'au VIIIe s. Au Moyen Age, le territoire appartenait à de nombreuses familles de ministériaux et à des établissements religieux comme Bellelay (propriétés mentionnées en 1142 et 1148) ou Moutier-Grandval (selon un acte de 1179). Depuis Adalbert II, à qui le roi de Bourgogne Rodolphe III avait donné Moutier-Grandval en 999, les évêques de Bâle cherchaient à étendre leur pouvoir dans le Jura. Ils se heurtèrent aux comtes de Neuchâtel, ceux de la maison de Fenis, puis ceux de la branche de Nidau, dont la sphère d'influence s'étendait des rives du lac et des hauteurs du Jura jusqu'à Granges (SO) et Büren an der Aare. Les comtes possédaient sans doute encore au XIIe s. et au début du XIIIe le château fort de Nidau, construit vers 1140, qui serait passé aux évêques plus tard (la ville et le château de Nidau sont mentionnés dans un acte de 1329 comme fiefs de l'évêque de Bâle).
Du bas Moyen Age à la fin de l'Ancien Régime
Fondation et développement de la ville
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Il semble que l'évêque de Bâle Henri de Thoune ait fondé la ville de B., sur des terrains qui lui appartenaient, entre 1225 (domum de Bilne) et 1230 (in urbe mea de Beuna), comme point d'appui contre le bastion de Nidau. On ne sait si le château fort épiscopal, sur le flanc sud-ouest, est plus ancien ou légèrement postérieur.
La ville connut d'emblée des tiraillements: quoique centre administratif de la partie méridionale de l'évêché de Bâle et siège du premier officier épiscopal, le maire (villicus, mentionné dès 1229), elle s'émancipa au cours du XIIIe s. et mena de plus en plus sa propre politique. Dans les nombreux conflits qui l'opposèrent à son seigneur, elle s'appuya au début sur ses bourgeois propriétaires terriens et nobles (cives), tels les seigneurs de B., famille qui détenait la mairie au XIIIe s. et dont la ville reprendra les armoiries. Commerçants et artisans participaient au guet, à la défense et à l'administration, mais les charges principales restaient aux mains des nobles. Le Conseil, mentionné dès 1252, entreprit très tôt de renforcer les droits de la ville, à qui l'empereur Rodolphe Ier de Habsbourg conféra en 1275 les mêmes privilèges qu'à Bâle. En 1296, l'évêque Pierre Reich de Reichenstein octroya une charte de franchises négociée qui, élargie en 1352, resta en vigueur jusqu'en 1798.
Bien que la ville fît partie de la seigneurie temporelle de l'évêque, elle conclut de son chef, dès le XIIIe s., des combourgeoisies avec des établissements religieux (comme les chapitres de Saint-Imier et de Moutier-Grandval ou l'abbaye de Trub), des maisons comtales (comme les Neuchâtel et les Neuchâtel-Nidau) et surtout des villes (Berne en 1279, Fribourg en 1311, Soleure en 1334, Morat en 1342, La Neuveville en 1395). L'alliance avec Berne, "perpétuelle" dès 1352, fit de B. un membre de la Confédération bourguignonne. Les engagements contradictoires envers l'évêque de Bâle et la ville de Berne provoquèrent en 1367 une guerre qui s'acheva par l'incendie de la ville et la destruction du château épiscopal. Après l'extinction des comtes de Neuchâtel-Nidau (1375), l'évêque perdit en 1388 la ville et le château de Nidau, avantageusement situés, qui tombèrent aux mains de Berne. Devenue ainsi ville-frontière, B. louvoya durant quatre siècles entre son seigneur et la cité de l'Aar, dans une situation qui l'empêcha de créer sa propre seigneurie.
La mairie et la ville
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
La mairie (soit l'équivalent d'un bailliage) et la ville de B. formaient deux ressorts différents, mais aux compétences et aux territoires imbriqués. La mairie comprenait à l'origine le Jura au sud de Pierre-Pertuis, l'Erguël, la seigneurie d'Orvin, la Montagne de Diesse et le pied du Jura, de La Neuveville à Reiben (comm. Büren an der Aare); la ville de B. y était incluse. L'évêque y tenait en fief de l'Empire les haute et basse justices. Le territoire de la mairie de B. sera amputé de La Neuveville en 1368 (érigée en mairie) et de l'Erguël en 1606 (confié à un bailli épiscopal siégeant à Courtelary), à la suite de l'échange de Bienne, puis brièvement de la Montagne de Diesse et de la seigneurie d'Orvin (au début du XVIIIe s., jusqu'en 1731).
Tel qu'il fut délimité pour la première fois en 1300, le ressort de la ville incluait, outre l'espace intra-muros, les villages de Vigneules, Evilard et Boujean (dits Äussere Ziele), les territoires longeant la Suze, la Suze de Madretsch et la Thielle jusqu'au lac, quelques maisons de Mâche sur la rive droite de la Suze et le village de Brittenach (1313 de Brittenacho, sur le site actuel du Ried), abandonné vers 1400. Le Conseil légiférait pour la ville et les Äussere Ziele; il y rendait les haute et basse justices au nom de l'évêque, sous la présidence du maire; la ville obtint dès 1468 une part des amendes de la haute justice. Mais Berne, comme successeur des comtes de Nidau, avait compétence exclusive dans les cas de vol. L'administration des villages dépendait de la ville, qui fournissait l'amman et le vice-amman de Boujean et Vigneules, ainsi que l'amman d'Evilard.
Le droit de bannière, mentionné dès 1296, permettait à B. de lever des troupes, de les organiser et d'exercer la justice militaire non seulement dans son ressort, mais pratiquement dans toute la mairie. Passé en grande partie à la mairie de La Neuveville lors des troubles de 1368-1395, ce droit revint dès le XVe s. à B., qui pouvait ainsi s'assurer une large autonomie face à l'évêque et remplir ses obligations envers Berne et les Confédérés. Elle avait sous son commandement ses propres troupes, levées dans le cadre des corporations, celles des Äussere Ziele et de l'Erguël, et dès 1551 la moitié de celles de Gléresse, Douanne, Tüscherz et Alfermée. Elle disposait de 200 hommes d'élite, selon le défensional suisse de 1668, à peu près autant que la ville de Saint-Gall.
A l'exemple d'autres villes, B. tenta de se créer un territoire sujet. Dans l'Erguël, elle s'assura au XIVe s. déjà un droit de regard sur le chapitre de Saint-Imier et sur la nomination des juges. La Réforme (1528) lui permit d'y renforcer sa position, mais non de s'imposer complètement. En 1554, le chapitre cathédral de Bâle lui remit en gage Orvin et l'Erguël. Mais le prince-évêque Melchior de Lichtenfels les dégagea en 1556 et son successeur réduisit encore l'influence de la ville dans l'Erguël, par le traité de Baden (1610). En 1409, B. acquit la moitié de la seigneurie de Gléresse, dont les anciens serfs étaient déjà ses combourgeois héréditaires, avec les droits de justice. Sans doute sous la contrainte, elle la revendit en 1551 à Berne (qui possédait déjà l'autre moitié depuis 1469 et la haute juridiction sur le tout), mais en conservant la moitié du droit de bannière.
Régime politique et administration
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Jusqu'en 1798, B. fut régie par les franchises de 1352 et par les privilèges reçus en 1380 de l'évêque Jean de Vienne et renouvelés en 1388. Ces textes lui conféraient un statut de ville municipale (Landstadt), en insistant sur la prééminence du souverain, auquel la commune devait faire acte d'allégeance lors de la cérémonie annuelle du serment. Le Conseil gouvernait dès le XIVe s. par ses arrêts, dont un premier recueil, établi au début du XVe s., fut remplacé par une rédaction systématique des statuts en 1614.
L'organisation politique fut plusieurs fois modifiée jusqu'au XVIIe s. Faute de documents, beaucoup de changements ne peuvent être datés précisément. A la tête des autorités municipales se trouvait le maire, qui administrait aussi le territoire de la mairie. Il présidait le Conseil et le tribunal, mais sans droit de vote. Il était nommé par le prince-évêque, qui le désignait jusqu'au XVe s. parmi ses vassaux ou exceptionnellement parmi les membres du Petit Conseil.
Le Conseil municipal ou Petit Conseil comptait au bas Moyen Age vingt-quatre membres, à savoir douze "anciens" et douze "nouveaux" qui alternaient annuellement. L'Ancien Conseil, plus prestigieux, gouverna seul de 1491 à 1525. Dès 1545, après plusieurs réformes, les deux collèges furent réunis, mais la plupart du temps les vingt-quatre sièges n'étaient pas tous pourvus; ils se complétaient par cooptation, avec l'aide d'électeurs issus des corporations. Ils élisaient en outre les membres du Grand Conseil et les titulaires de charges municipales, sauf le banneret. Le Grand Conseil, créé au milieu du XVe s., se substitua peu à peu à l'assemblée communale, à qui finalement il ne laissa que l'élection du banneret. Son effectif était de droit de vingt et un à cinquante membres, de fait le plus souvent de trente à quarante membres, les délégués de chaque corporation étant fonction de l'importance de celle-ci. Convoqué par le maire et le Petit Conseil, il ne pouvait agir qu'avec ce dernier (décisions des Rät und Burger, c'est-à-dire des Petit et Grand Conseils).
Elus par le Petit Conseil à la tête de la commune, deux bourgmestres s'occupaient des finances, des fortifications, des poids et mesures, du sceau de la ville (mentionné dès 1255) et de ses clés. Peu à peu ils se répartirent les compétences et dès 1542, l'un d'eux fit place à un trésorier; l'autre, élu à vie, responsable du sceau et des clés, gagna en importance, devint le premier magistrat de la ville et reprit certaines tâches du maire, comme la présidence du Petit Conseil. Le banneret, lui aussi élu à vie, était à l'origine le commandant des troupes de la ville; au XVIe s. il joua le rôle de porte-parole de la commune face au Conseil. A l'époque moderne, il devint le second personnage de la ville, après le bourgmestre; nommé à titre honorifique, il laissait le commandement à des officiers nommés par le Conseil.
D'autres changements aboutirent à une multiplication des charges inférieures. A la fin de l'Ancien Régime, on distinguait le gouvernement (Petit et Grand Conseils, bourgmestre), les offices (plus de trente titulaires, dont le trésorier, le secrétaire, les grand et petit sautiers, les administrateurs d'établissements comme l'hôpital) et les services (plus de vingt-cinq charges moins importantes, par exemple celles de maisonneur, receveur des péages, guet). Le secrétaire, généralement notaire de profession, devait être bilingue à cause des relations avec l'Erguël francophone. L'élection des conseillers et des titulaires d'offices avait lieu chaque année en janvier; elle se terminait à l'église par une cérémonie durant laquelle les membres des deux Conseils, le maire et les bourgeois prêtaient serment.
Ville épiscopale et pays allié de la Confédération
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Au XVe s., la ville avait renforcé sa position: elle jouissait d'une large autonomie administrative, régnait sur les villages voisins et concluait des alliances. Elle souhaitait entrer comme canton souverain dans la Confédération, où elle pouvait tenir un rôle militaire appréciable grâce à son droit de bannière. De fait, elle acquit peu à peu le statut de pays allié, vu ses liens avec Berne, Fribourg et Soleure, mais ne put pas le concrétiser par un pacte analogue à celui qu'obtint la ville de Saint-Gall en 1454. Elle occupait par conséquent le dernier rang à la Diète. Les efforts qu'elle fit à plusieurs reprises dès l'issue des guerres de Bourgogne pour devenir canton à part entière restèrent vains. Elle n'en mit que plus d'insistance à être incluse comme pays allié de la Confédération dans les alliances avec la France et dans les traités de paix européens dans lesquels les Confédérés étaient inclus.
B. s'avérait donc déjà fort émancipée de son seigneur; l'adoption de la Réforme en 1528 et l'adhésion à la Combourgeoisie chrétienne en 1529 renforcèrent son indépendance. Dès lors, en s'inspirant certes de Berne, elle gouverna elle-même son Eglise (et celle de l'Erguël jusqu'en 1610). En politique extérieure, elle louvoya jusqu'en 1798 entre son souverain, le prince-évêque de Bâle, et son partenaire bernois, en s'appuyant parfois sur ses alliés Fribourg et Soleure. Elle se détourna de Berne lors de l'échange de B. (1599), qui échoua. Ses relations avec le prince-évêque furent alors redéfinies par le traité de Baden (1610), négocié par la Diète. Elle perdit tous ses droits temporels et ecclésiastiques dans l'Erguël, qui fut séparé de la mairie, sa liberté de conclure des alliances fut limitée, son Conseil fut de nouveau subordonné au maire. Néanmoins, elle conserva son statut de pays allié et le prince-évêque, de sa lointaine résidence de Porrentruy, fit sentir une autorité plus nominale que réelle.
L'histoire de B. aux XVIIe et XVIIIe s. rappelle celle d'autres petites cités. La ville accueillit des réfugiés huguenots, mais limita par ailleurs l'accès à sa bourgeoisie. Un processus d'oligarchisation fit apparaître quelques familles privilégiées, comme les Thellung, les Wildermeth et les Scholl, tant au Petit Conseil (élection à la ballotte, soit tirage au sort, dès 1757) que dans les charges lucratives. En 1770, B., avec ses 1698 habitants, ne le cédait qu'à Aarau (1719 habitants en 1764) parmi les villes municipales de Suisse alémanique. Elle jouissait d'une bonne réputation, malgré les querelles intestines qui opposaient les partisans de Berne à ceux du prince-évêque.
Lors de la Révolution, la France devint un voisin direct en annexant le nord de l'évêché de Bâle en 1793, puis en 1797 la prévôté de Moutier et l'Erguël. Le 6 février 1798, ses troupes, d'abord bien accueillies par la population, entrèrent à B. par la porte du Haut, sans coup férir. B. et les communes environnantes formèrent un canton (celui de B.) du département français du Mont-Terrible, puis de celui du Haut-Rhin (1800-1813). Le maire Sigmund Wildermeth (1765-1847) s'aligna sur les ordres de Paris.
Economie
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Les Biennois pratiquaient la viticulture (sur les pentes du Jura) et, dans une moindre mesure, la pêche. En revanche, la plaine inondable de la Suze se prêtait mal à la céréaliculture et le manque de prairies empêchait presque l'élevage du gros bétail. Quant au commerce, B. était mal lotie, car la route évitait la ville et aboutissait au port bernois de Nidau. L'évêque octroya au cours du XIVe s. divers droits fiscaux et régaliens: chasse et pêche, ohmgeld, péages et, en 1327, deux foires annuelles. Dès le milieu du XIIIe s. apparurent, sans doute sous l'influence de Bâle, huit corporations d'artisans, plus tard réduites à cinq: les Bûcherons (métiers du bâtiment, métiers d'art, forgerons), les Vignerons (avec les pêcheurs et les tonneliers), les Cordonniers (avec les selliers), les Boulangers (avec les meuniers) et les Bouchers (avec les tanneurs). La société du Paon, qui regroupait d'abord les nobles, s'ouvrit ensuite à d'autres bourgeois.
Le XVIe s. connut un essor économique qui se manifesta dans la construction et dans les métiers d'art (orfèvres, peintres verriers, fondeurs de cloches, potiers d'étain). B. prit part aux capitulations signées par les cantons, ce qui permit à ses bourgeois de faire carrière au service étranger et de recevoir des pensions. Les réfugiés huguenots stimulèrent le commerce au XVIIe s. Mais les règlements corporatifs qui imposaient la petite entreprise et une production codifiée, tout en s'opposant à la concurrence et à l'ouverture de nouveaux ateliers, maintinrent l'économie biennoise dans des limites étroites. Ils empêchèrent aussi l'établissement de Français qui voulaient se lancer dans le tissage de la soie et de la laine ou autres activités textiles. Seul fut possible l'établissement d'entreprises extérieures aux corporations, telle la tréfilerie installée en 1634 à Boujean à titre de fief épiscopal et l'indiennerie fondée en 1747 par les conseillers Bendicht Rother et Alexander Jakob Wildermeth qui, après des difficultés initiales, connut le succès vers la fin du XVIIIe s., sous la direction de François Verdan.
Construction de la ville
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Le noyau fortifié sur la colline subit avant 1295 un premier agrandissement vers le nord-est (Obergasse et Untergasse) et vers 1350 un deuxième vers le sud et la plaine (äussere Neuenstadt), qui doublèrent presque la surface bâtie. Après l'incendie de 1367, la ville fut reconstruite dans ses anciennes limites, qui ne varièrent plus jusqu'au milieu du XIXe s. Le site du château, dont on déblaya partiellement les ruines en 1405, fut peu à peu intégré à la ville (dès 1489) et vit s'élever le nouvel hôtel de ville (1530-1534), l'arsenal (1589-1591, aujourd'hui transformé en théâtre), les ateliers municipaux, les bains et la halle aux draps. Le vieil hôtel de ville fit place en 1578-1582 à l'auberge communale de la Couronne. Les maisons des corporations bordaient le Ring, très ancienne place du plaid et du marché. Dès le XIVe ou le XVe s., le Conseil favorisa financièrement le remplacement du bois par la pierre, pour diminuer les risques d'incendie. Beaucoup de maisons furent agrandies dans la première moitié du XVIIe s. et habillées de leur façade actuelle vers 1800, époque où s'introduisit la propriété par étage. Les modèles architecturaux sont ceux du Jura sud, avec une influence bernoise.
Eglise, écoles et vie culturelle
Auteure/Auteur:
Anne-Marie Dubler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Au spirituel, B. et l'Erguël ne relevaient pas du diocèse de Bâle, mais de celui de Lausanne (décanat de Saint-Imier ou de Soleure). L'église Saint-Benoît est mentionnée dès 1228; le bâtiment actuel (1451-1470) est le plus important monument gothique tardif du canton, après la collégiale de Berne. La ville en acquit le droit de patronat des comtes de Thierstein en 1364, mais affaiblie par l'incendie de 1367, elle le revendit en 1376 à l'abbaye bénédictine de Saint-Jean de Cerlier, pour le racheter en 1540 à Berne, qui le détenait depuis la Réforme. Grâce à des donations d'immeubles de la bourgeoisie, une petite commanderie des chevaliers de Saint-Jean se fonda en 1454 (église bâtie en 1460-1466), avec droit d'asile; supprimée en 1528, elle abrita l'hôpital de 1741 à 1818. La chapelle de la maladrerie, sur la route de Boujean, mentionnée en 1477, fut aménagée au XVIIe s. pour le culte en français. Une chapelle Notre-Dame se trouvait à Falbringen (il s'agit peut-être de celle du village déserté de Brittenach, connue par les textes).
Sous la houlette du curé Thomas Wyttenbach, B. embrassa la Réforme en 1525 déjà. La nouvelle Eglise s'organisa comme à Berne en 1528. Le Conseil en prit la direction; il institua en 1535 un consistoire, selon le modèle bernois, compétent aussi dans l'Erguël jusqu'en 1610. La ville reprit les biens de l'Eglise, de l'hôpital et de la maladrerie.
Une école municipale est mentionnée en 1458. Sans doute encore intermittente au XVe s., elle fut confiée en 1528 au diacre de Saint-Benoît. En 1625, le Conseil approuva pour la première fois le plan d'études de cette école latine, où enseigna entre 1621 et 1651 le mathématicien Jakob Rosius. L'école allemande ouvrit au XVIe s., celle des filles en 1621. Au XVIIIe s., on distinguait pour les garçons les écoles élémentaire, réale inférieure et réale supérieure; cette dernière remplaçait l'école latine et dispensait depuis 1747 un enseignement diversifié de caractère gymnasial, où le français, seconde langue des classes supérieures, tenait une bonne place. La Société économique fut fondée en 1761, la bibliothèque des bourgeois en 1765.
XIXe et XXe siècles
Histoire sociale et politique
La réunion avec Berne
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
Après la chute de Napoléon (1814), B. et les territoires de l'ancien évêché de Bâle furent détachés de la France et soumis par les alliés au gouvernement général du baron Conrad Charles Frédéric d'Andlau-Birseck. On caressa de nouveau l'espoir de former un canton suisse. Mais Georg Friedrich Heilmann, envoyé de la ville au Congrès de Vienne, ne put empêcher que, comme presque tout l'évêché de Bâle, B. ne fût attribuée au canton de Berne; elle sera rattachée au bailliage de Nidau en 1815. Le gouvernement provisoire biennois parvint cependant à garder quelques privilèges et à arracher certaines concessions.
Selon l'Acte de réunion avec Berne, B. gardait l'ohmgeld, les péages et la taxe d'habitation. Ses autorités pouvaient s'adresser directement au gouvernement bernois, sans passer par le préfet. Mais elle dut renoncer provisoirement au rang de chef-lieu de district. Sceptique envers le régime bernois, une partie des bourgeois adhéra pour toutes sortes de motifs à l'opposition libérale (incarnée par Johann et Karl Schnell, de Berthoud). Après la victoire de ce mouvement dans le canton en 1831, le Biennois Charles Neuhaus fut élu conseiller d'Etat. En 1832, B. devint chef-lieu d'un nouveau district. C'est donc seulement sous la Régénération et son régime plus démocratique que les Biennois commencèrent à se sentir Bernois.
Commune bourgeoise et commune d'habitants
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
La loi cantonale de 1833 sur les communes instituait à côté de la bourgeoisie une commune d'habitants. B., où la proportion entre bourgeois (1119 en 1779, 1007 en 1833) et non-bourgeois (passés de 579 à 1601) s'était renversée, possédait déjà une telle organisation. La commune bourgeoise devint une corporation privée, gérée par le Conseil de bourgeoisie et chargée de l'assistance et des tutelles. La commune d'habitants reprit les affaires publiques.
Les deux institutions se disputèrent longuement à propos du partage de leurs biens et compétences. Dans les années 1840, le nombre des immigrants (beaucoup d'horlogers francophones, bien que la ville fût germanophone) s'accrut fortement, ce qui amena la bourgeoisie à remettre à la commune d'habitants, en vertu de la loi cantonale de 1852 sur les communes, une partie de ses revenus (l'ohmgeld, les péages, la taxe d'habitation et le droit de pinte, les dédommagements versés par l'Etat lorsqu'il cantonalisa le commerce du sel), ainsi que les voies publiques, mais en conservant les forêts, sept alpages et quelques bâtiments comme l'hôtel de ville ou la chancellerie bourgeoise.
Institutions politiques
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
Sous la Restauration, B. possédait un Grand Conseil de trente à cinquante membres et un Petit Conseil de quinze à vingt membres. Dès 1832, l'exécutif revint à un Conseil municipal de vingt-cinq personnes (quatorze dès 1835) et le pouvoir législatif à l'Assemblée générale qui se réunissait deux fois par an et qui, dès 1855, élisait pour six ans le président et le vice-président de la commune, douze conseillers municipaux, le greffier de la commune et du Conseil, ainsi que l'huissier.
Ayant passé le seuil des 10 000 habitants, B. se donna, selon le nouveau règlement de 1874, un Conseil de ville (Stadtrat, législatif) de quarante membres et un Conseil municipal de cinq membres (neuf dès 1882), dont un membre (le maire), puis trois dès 1909, quatre dès 1920 et cinq dès 1946 fonctionnent à plein temps. L'Assemblée générale ne fut abolie qu'en 1893; on recourut dès lors aux urnes pour élire les membres du Conseil de ville, dont le nombre fut fixé à soixante. Le système majoritaire favorisait les radicaux alémaniques; cependant ceux-ci laissaient volontairement une place aux représentants du Cercle démocratique romand (parti des francophones, environ un tiers de la population, de plus en plus intégrés à la vie publique) et à ceux de la Société du Grutli.
Histoire politique au XXe siècle
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
La grève du bâtiment en 1902 montra l'opposition croissante entre patrons et ouvriers. Un courant anarcho-syndicaliste, qui considérait la grève et le sabotage comme des moyens de lutte légitimes, influença le mouvement ouvrier biennois. Plusieurs branches connurent des conflits parfois acharnés, comme la grève des compagnons menuisiers (1907) qui dura presque un an. Le secrétaire ouvrier Gottfried Reimann, élu maire en 1907, fut le premier socialiste porté à la tête d'une ville en Suisse. Le système proportionnel, introduit sur le plan communal en 1909, fit gagner des sièges à l'Union ouvrière (parti socialiste dès 1912), mais les radicaux gardèrent la majorité.
Les ouvriers durent accepter une baisse brutale des salaires au début de la Première Guerre mondiale et ne retrouvèrent jamais, durant le conflit, leur pouvoir d'achat antérieur. Le renchérissement et les difficultés d'approvisionnement renforcèrent le mécontentement. Une manifestation de ventres vides aboutit en juillet 1918 à des émeutes que seule calma une mobilisation militaire. Les ouvriers biennois suivirent en masse le mot d'ordre de grève générale de novembre 1918. Un parti communiste se fonda à B. en 1919, mais il resta insignifiant.
En 1921, les socialistes remportèrent de peu la majorité au Conseil de ville et au Conseil municipal. Ainsi débuta, avec le maire Guido Müller, une expérience de gouvernement de gauche, qui se traduisit dans l'urbanisme des années 1930, en particulier dans le quartier de la gare. La maison du peuple, construite par Eduard Lanz de 1928 à 1932, est non seulement un remarquable exemple du style Neues Bauen, mais aussi un symbole de la "Bienne rouge".
La Deuxième Guerre rapprocha la gauche et les partis bourgeois. L'entrée de l'Alliance des Indépendants au Conseil de ville en 1940 commença à modifier les anciens rapports de force; celle du parti du travail, qui conquit neuf sièges en 1945, aviva les tensions internes de la gauche. Après le retrait de Guido Müller (1947), les radicaux reprirent la mairie. Depuis 1976, elle est à nouveau tenue par un socialiste. Au Conseil de ville, l'Entente biennoise (en all. Freie Bieler Bürger, soit "libres citoyens biennois") a joué le rôle d'arbitre entre gauche et droite de 1972 à 1984. Enfin, à l'extrême droite (par exemple parti de la liberté) comme à l'extrême gauche (POCH), divers petits partis ont siégé ou siègent au législatif, l'extrême droite est aussi entrée à l'exécutif.
Le développement de la ville depuis 1850
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
Le nombre des habitants passa de 5609 en 1850 à 11 666 en 1870. La ville déborda ses anciennes limites; elle abattit ses murailles entre 1829 et 1875. La gare, ouverte en 1857, fut déplacée en 1864 pour favoriser les agrandissements. Au sud de la vieille ville (Quartier Neuf dès 1855 environ, quartier du Nouveau-Marché dès 1865 environ) et à l'ouest, la plaine était déjà couverte de bâtiments en 1885. La ville s'étendit aussi à l'est dès 1873 (quartier du Jura, vers Boujean) et sur les pentes du Jura (dès les années 1870 et surtout vers 1890), au pied duquel se développa après 1900 une sorte de zone monumentale qui donne sa silhouette à la ville.
En 1900, la surface bâtie avait décuplé depuis 1850; l'agglomération comptait 30 000 habitants. Le dynamisme de la ville touchait désormais les communes voisines, ce qui se traduisit par l'incorporation de Vigneules en 1900, Boujean en 1917, Madretsch et Mâche en 1920.
Dans l'entre-deux-guerres, on aménagea une nouvelle place centrale au bord de la Suze, à mi-chemin entre la vieille ville et la troisième gare (inaugurée en 1923 au sud-ouest de la précédente). La rue de la Gare, l'hôtel Elite et la maison du peuple, acquise et restaurée par la ville en 1981, à la suite d'un vote populaire, forment aujourd'hui encore un ensemble urbain remarquable.
Profitant de la haute conjoncture qui régna de la fin de la guerre aux années 1970, B. se hissa dans les années 1960 et 1970 parmi les dix premières villes de Suisse. Le palais des congrès, construit par Max Schlup de 1961 à 1966, est le symbole de cette époque, qui connut aussi une ultime phase d'expansion, surtout à l'est (de Mâche vers Orpund-Büttenberg) et au sud (quartier du Champ-du-Moulin rejoignant les nouveaux quartiers de Nidau).
Le chiffre de population atteignit un sommet en 1964 (64 848 habitants), puis se mit à baisser (de 20% environ jusqu'en 1990). B. en effet ne put échapper à la crise qui a frappé les centres urbains à la fin du XXe s., crise due à la baisse de la natalité (pilule contraceptive) et à l'exode vers la campagne d'un nombre croissant de navetteurs, généralement jeunes et titulaires d'emplois bien rémunérés. La ville vit ainsi diminuer ses recettes fiscales au moment où ses dépenses explosaient dans le domaine social (concentration de personnes âgées) et dans celui des infrastructures (pour les transports privés notamment). La contribution des communes périphériques à de telles charges devint à B., comme dans d'autres centres, un sujet de controverses. A la fin des années 1990 apparurent enfin les premiers signes d'un ralentissement, voire d'un renversement, de cette évolution.
Développement économique
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
La Suze fournissait de l'énergie hydraulique, mais avant sa canalisation (1825-1829), sa basse plaine, du Taubenloch au lac de B., était déserte, car inondable et marécageuse. En ville, on pratiquait encore dans la première moitié du XIXe s. les métiers traditionnels, alors que s'étaient développées extra-muros, dès la seconde moitié du XVIIIe s., l'industrie textile (aujourd'hui disparue), la tréfilerie et plus tard l'horlogerie.
L'indiennerie du Pasquart, fondée en 1770/1771, devint à l'époque française (1798-1813) une grande entreprise. Sous la direction de François Verdan et de son beau-fils Johann Rudolf Neuhaus, elle occupait un millier d'ouvriers. En 1808, elle se mécanisa en achetant des presses à rouleaux. Le nombre des ouvriers était tombé à quelque deux cents vers 1820. S'étant retiré de l'affaire, Neuhaus fonda en 1824 au lieudit Champagne, avec son beau-frère, une filature de coton, actionnée aussi par la Suze. En 1828, elle employait 83 femmes et 122 enfants. Un tissage mécanique lui fut adjoint en 1830; il livrait sa production à l'indiennerie. Celle-ci aurait cependant nécessité une modernisation que les frères Verdan hésitaient à financer; ils préférèrent la fermer, en 1842, ce qui fut un grave revers pour le développement industriel biennois. Les ateliers de Champagne furent liquidés en 1879, faute de rentabilité.
Cherchant à attirer à B. une autre activité, le Conseil de ville décida en 1842, sur proposition d'Ernst Schüler, nouveau bourgeois d'origine allemande, d'accueillir des horlogers jurassiens en renonçant à leur faire payer la taxe d'habitation. De 1844 à 1859, plus de 1700 ouvriers répondirent à l'appel, la plupart de langue maternelle française: telle est l'origine du bilinguisme de la ville. La population doubla durant ce temps. Au début, on aménageait de petits ateliers sous les toits, dans les quartiers anciens comme dans les nouveaux, car, contrairement à d'autres industries, l'horlogerie ne causait pas d'émanations gênantes. Comme à l'époque préindustrielle, le domicile était donc aussi lieu de travail. Une école d'horlogerie ouvrit en 1873. Peu à peu, certains ateliers donnèrent naissance à des manufactures, puis à des usines. L'atelier de Louis Brandt, fondé en 1848 à La Chaux-de-Fonds, s'agrandit en une maison qui est à l'origine du groupe Omega. Celui de Jean Aegler fut le noyau de Rolex. Dans les deux dernières décennies du XIXe s., l'horlogerie subit un profond mouvement de concentration, selon un modèle américain. Des automates électriques de précision remplacèrent de plus en plus le travail à la main.
Malgré l'installation, notamment, de fabriques de machines (avec fonderie, 1882), de chaînes (1900), d'articles de bureau (1900) et de machines-outils (1914), la ville continua, dans la seconde moitié du XIXe s., de dépendre trop massivement de l'horlogerie, branche de luxe et d'exportation qui connaissait de grandes difficultés à chaque dépression économique.
En 1884, Fritz Blösch, directeur de la tréfilerie, installa au Taubenloch une petite usine électrique, la deuxième du canton après celle de Meiringen. La ville la reprit à son nom, tout en se fournissant aussi à l'usine de Hagneck. Construite par Eduard Will, avec une participation de la ville de B., près de l'endroit où, depuis la correction des eaux du Jura de 1878, l'Aar se jette dans le lac de B., cette usine ouverte en 1900 devint plus tard le noyau des Forces motrices bernoises et donna aussi naissance à la Société électrique de B. L'un de ses premiers gros clients, la tréfilerie de B., entreprise moderne fondée au Brühl en 1852, propriété de Jules Schneider-Montandon, concurrença celle de Boujean jusqu'à leur fusion, en 1914, dans les Vereinigte Drahtwerke. La ville reprit en 1882 l'usine privée, exploitée dès 1863, qui livrait du gaz d'éclairage et du gaz domestique.
L'horlogerie se remit rapidement de la chute des exportations due à la crise qui suivit la Première Guerre mondiale. Néanmoins, la dépendance excessive de la ville envers cette branche commençait à inquiéter les autorités, qui pourtant n'entreprirent sérieusement d'attirer de nouvelles industries que dans les années 1930, devant le chômage massif et durable dû à la grande crise. Le maire Guido Müller sut convaincre le constructeur d'automobiles américain General Motors (GM) d'ouvrir à B. une usine de montage offrant 300 emplois. GM Suisse fut fondé en 1935, avec siège à B.
Affiche pour la montre de luxe, publicité réalisée en 1929 par le graphiste Charles Kuhn (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
[…]
L'industrie biennoise stagna durant la Deuxième Guerre mondiale, puis connut une expansion subite. L'horlogerie domina encore jusqu'à la fin des années 1960. La récession qui suivit révéla impitoyablement les faiblesses structurelles de cette branche, qui s'était abritée durant des décennies derrière des mesures protectionnistes. Elle apparut dépassée tant sur le plan technique et organisationnel que sur le terrain du marketing; en outre elle recourait abondamment à une main-d'œuvre sans qualifications, souvent d'origine étrangère. La concurrence croissante des produits étrangers, en particulier des montres électroniques japonaises, provoqua une crise des ventes. Le chômage augmenta fortement, malgré le départ de nombreux travailleurs étrangers, d'autant plus que GM ferma son usine en 1975. Le manque de terrains industriels, sensible dès les années 1970, fut aussi un facteur négatif pour la croissance.
L'industrie horlogère biennoise se soumit à un rude processus de restructuration: avec l'aide des banques, le conseiller d'entreprises Nicolas G. Hayek réunit le holding biennois Asuag (fondé en 1931) et la SSIH genevoise (1930) dans la Société suisse de micro-électronique et d'horlogerie (SMH), avec siège à B. (Swatch Group), laquelle connut le succès grâce à la montre bon marché Swatch. La production fut regroupée à Granges (SO); seuls restèrent à B. la direction et le marketing.
Au cours des années 1980, l'horlogerie perdit la position dominante qu'elle occupait à B. depuis le XIXe s., tandis que l'industrie des machines progressait. Mais la récession favorisa surtout le secteur des services. Entre les années 1950-1960 (où B. était la seule vraie cité industrielle du canton) et le début des années 1990, le secteur secondaire passa de 65-70% des emplois à 35%, le tertiaire de 30-35% à 65%. Ce phénomène a eu des répercussions sur le marché du travail: alors que l'industrie traditionnelle employait beaucoup de main-d'œuvre (notamment féminine) sans formation ou formée sur le tas, l'industrie moderne et les services demandent davantage de qualifications.
Transports
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
Le lac de B., la Thielle et l'Aar servaient traditionnellement au transport des personnes et des marchandises (vin, bois, sel) et des bateaux circulaient régulièrement entre Soleure, Nidau et Yverdon. Longtemps, B. n'en profita guère, car le port se trouvait à Nidau, dans le canton de Berne. Les premiers vapeurs naviguèrent sur les trois lacs à la fin des années 1820 et se livrèrent bientôt (mais au début, semble-t-il, plutôt sur le lac de Neuchâtel) au transport des voyageurs et des marchandises. Dès 1854, deux vapeurs reliaient tous les jours Nidau à Soleure et à Yverdon. Mais cette ligne subit la concurrence du chemin de fer dès les années 1860. Au XXe s., la navigation sur le lac de B. n'eut plus qu'un rôle touristique.
Le grand axe est-ouest du Plateau suisse passait entre Morat et Soleure par Aarberg et Büren an der Aare, soit à une dizaine de kilomètres au sud-est de B., qui ne pouvait donc tirer aucun profit du trafic de transit. En revanche, la route de B. à Porrentruy par Bellelay fut améliorée en 1745 déjà et refaite dans les cluses en 1752. On activa l'aménagement de la route de B. à Berne par Aarberg après la réunion du Jura avec Berne, et l'on construisit en 1835 celle de la rive nord du lac de B.
L'isolement relatif de B. prit fin, dans le troisième quart du XIXe s., grâce au chemin de fer, qui fut donc l'un des facteurs essentiels de l'essor industriel de la ville. Le Central-Suisse ouvrit en 1857 la ligne B.-Soleure-Herzogenbuchsee, la compagnie de l'Est-Ouest celle de B.-La Neuveville en 1860 et les chemins de fer de l'Etat bernois, en 1864, celle de B. à Zollikofen, où elle rejoignait celle de Berne à Olten. Dans le Jura, les travaux entrepris dès les années 1860 n'avançaient guère, faute de capitaux. Mais la situation changea après 1871: la France, contrainte de céder l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne, fit de la ligne de Delle une voie principale, dont elle subventionna le prolongement à travers le Jura suisse, afin de s'assurer une liaison vers l'Italie. Les Chemins de fer du Jura bernois commencèrent à exploiter le tronçon B.-Sonceboz-Tavannes en 1874. La ligne du Jura servit au transit international jusqu'en 1919, puis elle fut ramenée au rang de voie secondaire, la France ayant récupéré l'Alsace.
Les tramways hippomobiles (ligne Nidau-gare de B.-Boujean ouverte en 1877) furent repris par la ville en 1901 et électrifiés en 1902-1903. Particularité de B., les funiculaires de Macolin et d'Evilard datent de 1887 et 1898.
Le raccordement de B. au réseau autoroutier prit du retard, d'une part en raison des oppositions aux divers tracés prévus pour le contournement de la ville et d'autre part à cause de l'attitude négative d'une grande partie de la population face à la construction de nouvelles autoroutes. La T6, voie exprès en partie à quatre pistes, relie depuis 1987 B. à Schönbühl, où elle rejoint l'A1. L'autoroute du pied du Jura (A5, Soleure-B.-Neuchâtel) était encore en construction en 2002, de même que la transjurane (A16, B.-Moutier-Porrentruy).
Ecoles et vie culturelle
Auteure/Auteur:
Tobias Kästli
Traduction:
Pierre-G. Martin
Gérées par des institutions privées sous la domination française, l'Eglise et l'école retournèrent en 1813 sous la responsabilité de la ville. Après la réunion avec Berne, l'école privée se transforma définitivement en école des bourgeois. Pour les filles, celle-ci proposait uniquement une formation pratique, comme au XVIIIe s., jusqu'à ce que quelques dames améliorent la situation. Sous l'impulsion du gouvernement bernois, une école fut ouverte en 1819 pour les non-bourgeois; elle ne dispensait au début qu'un enseignement très élémentaire, d'où son surnom de Trivialschule; en 1825, elle devint école primaire, d'abord à deux degrés. Une première école française, privée, accueillit les enfants des horlogers immigrés dès 1845; la ville la reprit en 1850.
Un gymnase, auquel donnait accès l'école des bourgeois, exista de 1817 à 1836. Il fit place à une école secondaire avec progymnase. Le gouvernement bernois approuva en 1902 la création d'un nouveau gymnase, à condition qu'il n'ait pas de classes francophones; en 1910, cette institution prit ses quartiers à la rue des Alpes. Un gymnase français n'ouvrit qu'en 1955. Le complexe scolaire et sportif situé au bord du lac, construit en 1975-1980, accueille les gymnasiens des deux langues.
Fondée en 1873, l'école d'horlogerie se transforma en technicum de la Suisse occidentale (1890), en s'adjoignant des sections d'électrotechnique et de mécanique de précision, puis, après sa reprise par l'Etat de Berne, en technicum cantonal (1920). Celui-ci incorpora en 1930 une section de technique automobile et en 1952 une école du bois (l'actuelle école suisse d'ingénieurs du bois, indépendante dès 1959). Il prit en 1977 le nom d'école d'ingénieurs de B. La ville abrite aussi le SAWI (centre suisse de formation en marketing, publicité et communication).
Parmi les institutions culturelles, citons le musée Schwab (archéologie préhistorique et classique), le musée Neuhaus (art et histoire), le Centre PasquArt (beaux-arts et "Photoforum") et le musée d'horlogerie de la maison Omega. L'ancien arsenal, transformé en salle de spectacle en 1842, accueille les productions du "Théâtre des Régions", géré en commun par B. et Soleure depuis 1927.
Sources et bibliographie
- AAEB
- AEB
- AFam Neuhaus et Verdan, Musée Neuhaus, Bienne
- AMun Bienne
- Arch. départementales du Haut-Rhin, Colmar (F)
- J. Trouillat, Monuments de l'hist. de l'ancien Evêché de Bâle, 5 vol., 1852-1867
- FRB, 1-10
- SDS BE, I/13
- C.A. Bloesch, Geschichte der Stadt Biel und ihres Panner-Gebietes, 3 vol., 1855-1856
- G. Blösch, Chronik von Biel von den ältesten Zeiten bis 1873, 1875 (suppl. 1880 et 1883, suite sous le titre de Bieler Chronik dans les Ann. biennoises dès 1908)
- Bieler Neujahrsblatt, 1908-1911
- F. Schwab, Die industrielle Entwicklung der Stadt Biel, 1918
- J. Wyss, Das Bieler Schulwesen, 2 vol., 1919-1926
- Ann. biennoises, 1927-1935
- W. Häberli, Biel unter Frankreichs Herrschaft, 1948
- R. Roth, Das Volkshaus Biel und das Werden der Arbeiterbewegung, 1959
- G. Müller, Biel in Vergangenheit und Gegenwart, 1961
- Nouvelles ann. biennoises, 1962-1981
- E. Lanz, H. Berchtold, 500 Jahre Bieler Stadtkirche, 1963
- G. Grosjean, «Der Bieler Stadtbrand von 1367», in Nouvelles ann. biennoises, 1967, 5-24
- E.A. Bloesch, Verfassungsgeschichte der Stadt Biel von der Frühzeit bis zum Sturz des Familienregiments im Jahre 1798, 1925 (21977)
- «Die Region Biel-Seeland», in Jahrbuch der Geographischen Gesellschaft von Bern, 53, 1977-1979
- Ann. biennoises, 1982-
- INSA, 3, 27-125
- P. Amstutz et al., «Les partis à la barre!», in Ann. biennoises, 1985, 34-46
- I. Ehrensperger, «Altstadthäuser wuchsen in drei Schüben, Stadtkernforschung Biel», in Ann. biennoises, 1987, 61-92
- R. Dahler, «Die Bieler Indienneindustrie von den Anfängen bis zum Ende der französischen Zeit», in Ann. biennoises, 1988, 68-133
- T. Kästli, Das Rote Biel 1919-1939, 1988
- T. Kästli, Die Vergangenheit der Zukunftsstadt, 1989
- Ch. Zürcher, «Vom Landstädtchen zum Regionalzentrum», in Ann. biennoises, 1992, 28-53
- Th.R. Frêne; A. Bandelier et al., éd., Journal de ma vie, 5, 1993, 7-99
- M. Sauvain, Bienne et la crise nationale, 1914-1918, mém. lic. Neuchâtel, 1998
- W. et M. Bourquin, Biel, stadtgeschichtliches Lexikon, 1999
- M. Wick-Werder, Spuren einer Stadt, 2000
En bref
Endonyme(s)/Exonyme(s) |
Biel (allemand)
Bienna (italien)
Bienne (français)
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Suggestion de citation
Anne-Marie Dubler; Tobias Kästli: "Bienne (commune)", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 23.01.2018, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/000222/2018-01-23/, consulté le 01.11.2024.