Vue de la ville de Coire en perspective plongeante, vers 1640 (Rätisches Museum, Coire).
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Auteure/Auteur:
Jürg Simonett
Traduction:
Pierre-G. Martin
Commune du canton des Grisons, dans la région de Plessur. Coire se situe au débouché du Schanfigg dans la plaine du Rhin, sur le cône alluvial de la Plessur. Le site de la vieille ville, entre le Pizokel et le Mittenberg, était déjà occupé aux époques préhistorique et romaine. Dès le milieu du XIXe siècle, Coire s'étendit vers le Rhin et les pentes ensoleillées du Lürlibad. La première mention de Curia figure dans l'Itinéraire d'Antonin (IIIe s. apr. J.-C.). La commune, appelée Chur en allemand, Coira en italien et Cuira en romanche, comprend le Hof Chur (cour épiscopale sise sur un éperon rocheux au-dessus de la vieille ville) depuis 1852, le quartier de Sassal depuis 1939, Maladers depuis 2020ainsi que Haldenstein depuis 2021. Les localités agricoles périphériques de Masans et Araschgen ont toujours fait partie de Coire. La cité, peu industrialisée, est unnœud de communications routières et ferroviaires au pied des Alpes.Siège du diocèse de Coire, centre scolaire, hospitalier et administratif, place d'armes, chef-lieu du canton trilingue des Grisons, siège du gouvernement dès 1803 et siège permanent du parlement dès 1820, Coire est le cœur d'une agglomération qui attire des pendulaires de tout le nord du canton. Seule ville loin à la ronde, elle a plus de fonctions urbaines que ne le laisse supposer sa taille.
Auteure/Auteur:
Jürg Rageth
Traduction:
Pierre-G. Martin
La découverte d'objets en cristal de roche et en silex datant du Paléolithique final (environ 11'000-10'000 av. J.-C.) sur la rive droite de la Plessur à Coire-Marsöl, prouve une fréquentation précoce de la région. D'importants sites préhistoriques se trouvent sur les rives droite (Sennhof/Karlihof, dans la vieille ville) et gauche (Welschdörfli) de la Plessur. Des vestiges préhistoriques ont également été retrouvés dans le secteur partiellement fouillé du Hof.
Au Welschdörfli, soit au pied du Rosenhügel/Pizokel, on a mis au jour de 1967 à 1990 un habitatremontant au Néolithique et des sillons, preuves intéressantes de travaux agricoles, à 5 m sous le niveau actuel de la zone Ackermann, et un habitat néolithique de la civilisation de Pfyn et de Lutzengüetle à la Markthallenplatz. Ces gisements voisins ont aussi livré de remarquables structures de l'âge du Fer (civilisation de Hallstatt): plans de maisons et mobilier du groupe de la vallée alpine du Rhin, céramique des types Tamins (VIe/Ve s.) et Schneller (Ve-IIIe s.), qui semblent témoigner d'une civilisation celtique plutôt que rhétique. Dans la vieille ville, au Sennhof/Karlihof, sont apparus dans les années 1980, outre des vestiges romains et du haut Moyen Age, les structures d'un assez grand habitat du Bronze final (civilisation des champs d'Urnes et civilisation de Laugen-Melaun, environ 1300-800 av. J.-C.), sous un habitat du premier âge du Fer (céramique du type Tamins).
Epoque romaine
Auteure/Auteur:
Anne Hochuli-Gysel
Traduction:
Pierre-G. Martin
Après la conquête romaine (campagne des Alpes de 16-15 av. J.-C.), Coire fit partie, d'abord du territoire des Alpes Grées et Pennines (Vallis Poenina), et dès 40-50 apr. J.-C. de la nouvelle province de Rhétie (Raetia). Son statut est inconnu (peut-être civitas peregrina ou stipendiaria). Les quelques pièces d'armement qu'on a retrouvées ne permettent pas de parler de présence militaire durable. Coire pourrait avoir été une station routière d'importance stratégique au débouché des cols grisons. Rien ne prouve actuellement l'hypothèse qui veut en faire le chef-lieu de province (provincia) de la Rhétie première après la réorganisation administrative du IVe siècle.
L'agglomération avait son centre dans l'actuel Welschdörfli, où l'on a fouillé depuis 1902 une surface d'environ 80 m sur 300. Nous ignoros l'étendue du site romain.Bien que quelques objets remontent à la fin du Ier siècle av. J.-C., il ne prit son essor que vers 40 apr. J.-C., quand les maisons à colombage firent place à des constructions en pierre d'architecture romaine. Le plan irrégulier comprend quelques édifices publics (thermes, sans doute un marché et des boutiques) et surtout des habitations ainsi que des bâtiments à usage agricole et artisanal (travail du fer, du bronze, de l'os, céramique, textile).
L'abondance des importations (vaisselle, amphores, lampes, parures, statuettes), en provenance du sud, mais aussi du sud-ouest et du nord-ouest de l'empire romain, reflète la position de Coire sur les itinéraires du grand commerce et atteste le degré de romanisation et l'aisance matérielle de la population.
Le site du Welschdörfli, qui a rapidement décliné dès le milieu du IIIe siècle, est cependant restéoccupé au IVe et même au Ve siècle. Aucun horizon de destruction ne peut être mis en relation avec les incursions des Alamans au IIIe-IVe siècle. On a aussi repéré de modestes vestiges d'habitat dans la vieille ville et au Hof (site du castrum du Bas-Empire).
Moyen Age et Ancien Régime
De 450 au milieu du XVe siècle
Auteure/Auteur:
Linus Bühler
Traduction:
Pierre-G. Martin
Charte octroyée en 952 par Otton Ier, roi de Germanie, à l'évêque de Coire, lui accordant la régale des douanes (Rätisches Museum, Coire).
Dès le Ve siècle, Coire se dédoubla topographiquement et juridiquement, selon un processus classique, entre résidence épiscopale (Hof Chur) et quartier du marché, sis non plus à l'emplacement de la localité romaine (Welschdörfli), mais de l'autre côté de la Plessur, au pied nord-ouest du Hof. A l'est, en bordure d'un cimetière du haut Moyen Age, fut construite au Ve siècle ou peu après 500 l'église funéraire Saint-Etienne (démolie à la suite d'un incendie survenu avant 1538/1539), flanquée sans doute au VIIIe siècle de l'église Saint-Lucius. On construisit Sainte-Regula, au nord, sur l'une des routes d'accès à la ville, au IXe siècle. Les Sarrasins réduisirent Coire en cendre vers 940. Les vastes privilèges (régale des douanes, des monnaies, du marché, immunité) reçus des Ottoniens dans la seconde moitié du Xe siècle firent des évêques les seigneurs de la ville (évêché de Coire). A la fin du bas Moyen Age, Coire comprenait le Hof autour de la cathédrale (remontant à la première moitié du Ve s.), le haut-bourg autour de Saint-Martin (seconde moitié du VIIIe s.), les quartiers de Salas et Clawuz près du futur Untertor (porte du Bas), le quartier qui s'était formé au XIIIe siècle autour du couvent des dominicains Saint-Nicolas et le Welschdörfli au sud de la Plessur.
La population, qui devait être de 1000 à 1500 âmes au XIIIe siècle, se composait surtout de paysans, d'artisans et de commerçants, qui profitaient du dynamisme du secteur de la construction (construction de la cathédrale, consacrée en 1272, et construction des murailles notamment) et de la situation géographique favorable de la ville.
Armoiries de la fin du XVe siècle sur la première page du recueil des droits municipaux 1461-1730 (Stadtarchiv Chur).
L'édification de murailles dans la première moitié du XIIIe siècle poussa les quartiers à s'unir en une communauté urbaine (ville, commune), dont les premières traces remontent à 1227, mais qui ne s'institutionnalisa qu'à la fin du XIIIe siècle. On repère l'existence d'un conseil en 1282, mais l'évêque, seigneur de la ville, désignait les titulaires de charges municipales et gardait une grande influence. Les efforts d'émancipation furent surtout le fait d'artisans (artisanat) et de ministériaux de l'évêque. En 1367, le chapitre cathédral, les gens des vallées (communauté de vallée) et la ville de Coire conclurent une alliance contre l'évêque que l'on peut considérer comme l'origine de la Ligue de la Maison-Dieu. Les statuts urbains de 1368/1376 sont partiellement conservés. Exemptés des juridictions étrangères par le roi du Saint Empire Wenceslas en 1396, les bourgeois de Coire reçurent en 1413 le droit de construire un entrepôt et d'y percevoir un droit de souste sur les draps, les grains, le sel et autres marchandises. Un bourgmestre est attesté pour la première fois la même année. Les bourgeois se révoltèrent en 1422 et forcèrent l'évêque Johannes Naso, souvent absent du pays, à leur faire d'importantes concessions.
Du bas Moyen Age au milieu du XVIIe siècle
Auteure/Auteur:
Martin Bundi
Traduction:
Pierre-G. Martin
Un muletier et ses bêtes chargées de coffres entrent dans la ville de Coire, vers 1500, illustration de la Luzerner Chronik deDiebold Schilling (Zentral- und Hochschulbibliothek Luzern, Sondersammlung, Eigentum Korporation Luzern).
[…]
Après l'incendie de 1464, qui détruisit la plupart des maisons, dont l'hôtel de ville (avec les lettres de franchises qu'on y conservait), Coire envoya son secrétaire de ville Johannes Gsell à Vienne, auprès de l'empereur Frédéric III, qui confirma les franchises impériales et autorisa l'introduction de corporations de métier. Certes les artisans et commerçants avaient déjà une organisation basée sur des droits coutumiers et des confréries; mais en 1464, les bourgeois se donnèrent un nouveau statut qui réglait, outre les questions professionnelles, le mode d'élection d'autorités corporatives, du bourgmestre, du Grand Conseil et du Petit Conseil. Après la Réforme, le système fut étendu aux autres charges municipales. Les métiers étaient répartis entre les cinq corporations des Vignerons, des Cordonniers, des Tailleurs, des Forgerons et des Boulangers. Les propriétaires fonciers de celle des Vignerons avaient un grand poids dans une ville encore très agricole, de même que les muletiers et rouliers, intéressés au grand commerce, membres de celle des Forgerons. Après l'incendie de 1464 et l'adoption de sa nouvelle Constitution, Coire attira davantage d'artisans de langue allemande, qui furent reçus dans sa bourgeoisie et contribuèrent à sa germanisation.
Avec le régime corporatif, la ville s'émancipa largement de la tutelle de l'évêque. Elle racheta en outre peu à peu l'impôt et la taxe du guet. La haute cour, ou bailliage impérial, tenue en fief par l'évêque, dont l'abolition fut approuvée par l'empereur en 1464 et confirmée en 1480, ne disparut en fait qu'en 1489. Jusqu'aux articles d'Ilanz (1524 et 1526), liés à la Réforme, l'évêque conserva la nomination aux charges civiles et la plupart des régales (douanes, monnaies, chasse, poids et mesures). Coire tenta en vain, entre 1495 et 1498, d'obtenir le statut de ville libre d'Empire (immédiateté impériale).
Membre de poids de la Ligue de la Maison-Dieu dès 1367, Coire devint, en alternance avec Ilanz et Davos, l'un des sièges de la Diète des Ligues grises. Les réunions se tenaient dans la salle du Grand Conseil de l'hôtel de ville, reconstruit après l'incendie. Une combourgeoisie entre Coire et Zurich, conclue en 1419, fut renouvelée en 1470 et 1496; elle prévoyait l'aide mutuelle en cas de danger et offrit à Zurich l'important château fort de Gräpplang près de Flums, position stratégique au-dessus de la route du lac de Walenstadt. Coire et les Quatre villages (Cinq villages) s'allièrent en 1440 avec la Ligue grise. Lors de la première conquête de la Valteline (campagne de Bormio, 1486-1487), les troupes de Coire se trouvaient dans la première bannière de la Ligue de la Maison-Dieu, sous le commandement de l'ancien bourgmestre Johannes Loher. Lors de la guerre de Souabe, elles combattirent en Basse-Engadine, dans le Prättigau et à Balzers, sous les ordres de leur capitaine, le bailli épiscopal Heinrich Ammann; puis, dans d'autres guerres étrangères, à nouveau sous leurs bourgmestres, comme Luzius Gugelberg von Moos lors de la conquête de la Valteline en 1512, Hans Brun et Ulrich Gerster pendant la seconde guerre de Musso en 1530-1531. Des hommes de Coire servirent dans des régiments capitulés, surtout en Italie du Nord, mais les corporations s'élevèrent à plusieurs reprises contre le service étranger (mercenaires), par exemple dans des appels et requêtes à la Ligue de la Maison-Dieu (1535) et aux Grand et Petit Conseils (1543).
La Réforme fut introduite en 1525-1526, grâce aux efforts, dès 1523, de Jakob Salzmann, maître d'école (d'abord de l'école conventuelle de Saint-Lucius, puis de l'école créée par la ville en 1522) et de Johannes Comander, curé de Saint-Martin, dont les prêches attiraient déjà la foule à Pâques 1525. Cependant les réformateurs et les autorités durent affronter en 1525 à la fois la résistance des catholiques, le zèle des anabaptistes et une révolte paysanne. Après la dispute d'Ilanz (1526), les III Ligues proclamèrent la liberté individuelle de choisir l'une des deux confessions. Les articles d'Ilanz de 1524 et 1526 favorisèrent grandement la Réforme en admettant par exemple l'abolition des dîmes et l'élection du pasteur par les paroisses. A Coire, sauf dans le quartier épiscopal (Hof), on enleva les images dans les églises, et la messe fit place au culte protestant, pour l'essentiel avant le printemps 1527.
Maître-autel de la cathédrale, construit de 1486 à 1492 par Jakob Russet son atelier souabe (Photographie A. & G. Zimmermann, Genève).[…]
La période de transition entre Moyen Age et Temps modernes, entre gothique et Renaissance, fut fort riche sur le plan architectural et artistique: on édifiaun nouvel hôtel de ville (avec magasins, 1467-1543), on reconstruisit la plupart des maisons de corporation et les églises Saint-Martin (1470-1492) et Sainte-Regula (1494-1500), qui prirent leur aspect actuel; on répara et renforça l'enceinte et les portes en 1538. Jakob Russ éleva en 1492 le fameux maître-autel gothique de la cathédrale. Les Todesbilder du château épiscopal, imités de la Danse des morts de Hans Holbein le Jeune, furent créés en 1543. Le théâtre fut le fait de troupes d'amateurs (Le Jugement dernier en 1517, L'homme riche et le pauvre Lazare en 1541). Les fastes de la Renaissance se déployèrent aussi lors de certains événements politiques et lors de noces qui pouvaient durer plusieurs jours.
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les règlements se multiplièrent, notamment dans le domaine des transports et du commerce. La ville se préoccupait d'agriculture et d'économie alpestre, ayant acquis peu à peu des prairies dans le Schanfigg (dès le XVe s.) et acheté des alpages à des gens d'Arosa en 1573; 450 vaches estivaient sur ses vastes domaines en 1636.
Le grand incendie de 1574 anéantit quelque 300 maisons sur 400. Des dons et des prêts venus de toute la Confédération permirent une reconstruction rapide. En outre, de nombreuses fondations charitables apportèrent leur aide. Pour prévenir le retour d'une telle catastrophe, on modifia les règles sur les constructions et la lutte contre l'incendie.
Proche du parti espagnol, Coire fut souvent le théâtre, au début du XVIIe siècle, de troubles et de soulèvements populaires, liés aux luttes de partis et au service étranger. Trois tribunaux d'exception (Strafgericht) siégèrent à Coire la seule année 1607. A l'époque des Troubles des Grisons, durant la guerre de Trente Ans, la ville subit l'occupation étrangère dès 1622. Les troupes austro-espagnoles restèrent près de dix ans; ne respectant guère les conventions, elles se rendirent coupable de bavures et amenèrent la peste. Les frais de la guerre, des levées, des campagnes, des occupations autrichienne et française coûtèrent à la caisse publique de Coire 88'844 florins de 1622 à 1636, somme que la République des III Ligues compensa partiellement en abandonnant à la ville divers revenus, dont la douane de Coire. L'économie et la vie culturelle ne se rétablirent que dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
Du milieu du XVIIe siècle à la République helvétique
Auteure/Auteur:
Max Hilfiker
Traduction:
Pierre-G. Martin
Après la fin de la guerre de Trente Ans, la bourgeoisie compensa rapidement les pertes démographiques subies. Dès 1665, elle ne reçut plus de nouveaux membres, à l'exception de quelques candidats aisés (oligarchisation); ses effectifs baissèrent de moitié au cours du XVIIIe siècle, et la part des aristocrates et des gens riches s'accrut. Les habitants sans droits, qu'on ne parvenait pas à chasser, formaient dès le XVIIe siècle la moitié de la population. Après la Révocation de l'édit de Nantes (1685), des centaines de réfugiés protestants affluèrent du Piémont, de la Savoie et du Midi de la France. Ils furent efficacement soutenus, mais seule une minorité put s'établir; assimilés aux habitants sur le plan matériel, ils avaient leurs propres pasteurs. La vie économique ne subit guère de changements aux XVIIe et XVIIIe siècles. Presque tous les bourgeois et beaucoup d'habitants se dédiaient à l'agriculture de subsistance et aux activités de transport (trafic de transit). Le vaste vignoble restait peu productif; il était cultivé par des habitants et des journaliers. Le trafic de marchandises atteignit son niveau le plus bas en 1670 et ne retrouva que vers la fin du XVIIIe siècle, notamment grâce à l'amélioration des routes, celui qu'il avait avant les Troubles. Le transporteur Thomas Massner, de Coire, rendit plus sûr le tronçon du Cardinell sur la route du col du Splügen; les III Ligues et la ville de Coire aménagèrent la route d'Allemagne, de Coire au Sankt Luzisteig (1782-1786). Au XVIIIe siècle apparurent de vraies maisons de commerce, avec des correspondants dans toute l'Europe. Le régime corporatif gérait la vie politique et économique. Le Conseil gardait, malgré le «dimanche des doléances» annuel, le contrôle des corporations. Celles-ci défendaient leur monopole contre les habitants, contre les artisans du quartier épiscopal, eux aussi regroupés en corporations, et contre les concurrents hors de la ville; elles firent échouer plusieurs projets de manufactures. Au commencement du XVIIIe siècle, Coire vit remettre en question son rôle de chef-lieu de la Ligue de la Maison-Dieu et de siège de la diète, des archives, de la caisse et de la chancellerie des III Ligues. Seule la médiation de Zurich lui permit de conserver ses privilèges (entente de Malans en 1700, accord de 1730). En revanche, malgré leurs divergences, la ville et l'évêque restèrent en bons termes.
L'aspect de la ville se modifia peu, malgré les importants dégâts dus aux deux incendies de 1674 et à une crue de la Plessur en 1762. Néanmoins on se mit à construire hors les murs; le style baroque se manifesta dans quatre manoirs avec parc et l'aménagement intérieur de nombreuses maisons bourgeoises. Une école latine et un Collegium musicum apparurent à la fin du XVIIe siècle. Au reste, les spectacles théâtraux de troupes allemandes de passage, quelques représentations d'opéra, la présence de diplomates étrangers et la cour du prince-évêque apportaient un peu d'animation dans la capitale rhétique.
De la République helvétique à nos jours
Constitution, système politique, administration, infrastructures
Auteure/Auteur:
Jürg Simonett
Traduction:
Pierre-G. Martin
Le régime corporatif fut aboli pendant les périodes d'occupation française (la première en 1799) et une municipalité dirigea la ville; mais la Médiation de 1803 rendit aux corporations leur pouvoir politique. Les critiques croissantes visant le mode de scrutin (non individuel mais par corporation), la confusion des pouvoirs et la lenteur de l'administration aboutirent à de nouveaux statuts en 1841. Les affaires politiques, policières, administratives, ecclésiastiques et scolaires incombaient à un Conseil de ville de 11 membres. Introduite en 1850, l'assemblée communale (assemblée des communiers) n'avait de compétences que sur les plans cantonal et fédéral. L'incorporation du Hof (cour épiscopale, 240 habitants en 1850) intervint en 1852. En 1862, on distingua un Grand Conseil de ville (législatif, 21 membres) et un Petit Conseil de ville (exécutif, sept membres, autorités communales). En 1875, la souveraineté économique et politique passa de la bourgeoisie à la commune d'habitants. Le Petit Conseil de ville fut réduit à cinq membres en 1904, dont deux à plein temps (le président de commune et le responsable des travaux publics). L'assemblée communale fut supprimée en 1921. Le Grand Conseil de ville est élu à la proportionnelle depuis 1916; dès 1928, il n'eut plus que 15 membres, tandis que le Petit Conseil faisait place à un Comité de cinq membres, chargé de surveiller l'administration dirigée par le seul président de la ville. La révision de 1964 créa un Conseil communal (législatif) de 21 membres et un Conseil de ville de trois membres à plein temps, dont le mandat ne peut excéder, depuis 1988, trois législatures, soit 12 ans.
Ouvriers et responsables des travaux fêtent la fin des terrassements pour les nouvelles canalisations d'égouts de la rue Haute (Obere Gasse) en 1907 (Staatsarchiv Graubünden, Coire, Bestand Lienhard & Salzborn, FN IV 18/24 C 046).
Dans le domaine social, outre les dépenses et fondations usuelles, on ouvrit l'orphelinat en 1844, l'école de redressement Plankis en 1845, l'asile des bourgeois en 1847, l'hôpital municipal en 1875, la première maison de retraite en 1924. Le Kreuzspital, fondé en 1853, se trouve à la Loëstrasse depuis 1912. L'éclairage public à l'huile (1820) fit place au gaz en 1859. Le réseau d'eau potable fut refait en 1880. Une centrale municipale (agrandie en 1906, 1914, 1947) livre du courant depuis 1891. La ville acheta l'usine à gaz en 1895 (reconstruite en 1911; passage au gaz naturel en 1990). La construction des égouts commença en 1905. La première piscine publique fut ouverte en 1871.
Coire n'était pas le chef-lieu de la République des III Ligues, mais seulement celui de la Ligue de la Maison-Dieu. Sa situation géographique, sa puissance économique et la présence de l'évêque faisaient néanmoins de la ville le centre naturel des Grisons. Elle devint le siège du gouvernement du nouveau canton en 1803 et le seul siège du parlement en 1820. Elle abrite le tribunal cantonal, le tribunal administratif, les autorités et institutions pénitentiaires centrales du canton; la clinique psychiatrique cantonale Waldhaus (1892), la maternité cantonale Fontana (1917), l'hôpital cantonal et régional rhétique (1941); le siège de la plupart des médias et des institutions et associations culturelles grisonnes, publiques ou privées. La Confédération est représentée surtout par la poste, les chemins de fer, l'administration des douanes et de l'armée (place d'armes depuis 1887). La commémoration de la bataille de Calven fut en 1899 un moment important pour l'identité grisonne, tandis que les fêtes fédérales de tir (1842, 1949), de gymnastique (dès 1845) et de chant (dès 1862) renforcèrent le sentiment national helvétique.
Urbanisme et peuplement
Auteure/Auteur:
Jürg Simonett
Traduction:
Pierre-G. Martin
Construction de la Banque cantonale des Grisons sur la place de la Poste en mars 1911 (Stadtarchiv Chur, Sammlung Salzborn).
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A la fin du XVIIIe siècle, l'espace bâti se limitait à l'actuelle vieille ville, au Welschdörfli et aux rives de la Plessur. Le démantèlement des murailles entre Untertor (porte du Bas) et Hexenturm (tour des sorcières) marqua le début, en 1829, de l'expansion des nouveaux quartiers; la démolition du Schelmenturm (tour des coquins) en 1834 créa un nouvel accès au nord. Dès lors, la rue de la Poste concurrença comme axe principal la Reichsgasse (aboutissant à l'Untertor, porte abattue en 1861) et la place de la Poste devint le centre de gravité de la ville après l'inauguration de la gare, au nord (1858). Le comblement des fossés fit naître la Grabenstrasse bordée d'immeubles de prestige: villa Brunnengarten (1848), villa Planta (1876), bâtiment cantonal (1878), poste (1904), Banque cantonale (1911). Le cimetière de Scaletta fut transformé en parc public en 1862; un nouveau quartier résidentiel apparut autour de la Loëstrasse (1890-1892). Le premier règlement général sur les constructions entra en vigueur en 1896. La Ringstrasse, achevée en 1973, dessert le quartier du Rhin, en croissance rapide dès 1900, site des premiers grands ensembles et des tours Solaria (1961-1962) et Lacuna (1964-1981). Le centre se transforma en quartier d'affaires, à coup de démolitions et de rénovations qui ne conservèrent que les façades. Parmi les bâtiments publics, il faut citer le collège de la Quader (1914), l'église Sainte-Croix (1969) et les abris protégeant les vestiges romains du Welschdörfli (1986).
S'ouvrant tant au plan juridique et économique qu'urbanistique, la ville vit sa population tripler entre 1780 et 1860, puis doubler de 1860 à 1910. A la stagnation de l'entre-deux-guerres succéda dès 1950 une croissance rapide, accompagnée d'un boom immobilier dans le quartier du Rhin. Après 1976, la baisse de l'excédent naturel et un bilan migratoire partiellement négatif ont stabilisé la population, un peu au-dessus de 30'000 âmes.
Economie et transports
Auteure/Auteur:
Jürg Simonett
Traduction:
Pierre-G. Martin
Affiche pour les diligences vers 1880, lithographie d'Orell Füssli (Musée de la communication, Berne).
Le trafic de transit entre l'Allemagne du Sud et l'Italie du Nord était traditionnellement une activité dominante à Coire. Il augmenta dès 1788 grâce à l'amélioration de la route d'Allemagne par le Sankt Luzisteig. Les transporteurs de Coire contribuèrent en 1818-1823 à la construction des routes du Splügen et du San Bernardino et prirent en main la politique grisonne des transports. Les routes du Julier et de la Maloja suivirent en 1820-1840. La voie ferrée de la Compagnie de l'Union-Suisse (compagnie reprise par les Chemins de fer fédéraux, CFF, en 1902), permit de gagner Rorschach en 1858 et Zurich en 1859. La ligne des Chemins de fer du Gothard ouverte en 1882 capta le trafic de transit; Coire se tourna vers le tourisme, étant tête de ligne des diligences, puis des Chemins de fer rhétiques (qui atteignaient Thusis en 1896, Ilanz et l'Engadine en 1903, Arosa en 1914). La ville souhaitait l'ouverture des routes grisonnes aux automobiles, mais fut battue sur ce point en votations cantonales jusqu'en 1925. La route d'évitement (1965) est un tronçon de l'A13. La forte croissance de l'agglomération et du nombre de pendulaires a mis au premier plan les questions de trafic liées aux flux locaux au début du XXIe siècle.
A la fin du XVIIIe siècle, l'industrie textile n'était pas parvenue à s'acclimater. Mais bientôt Coire abolissait ses corporations, les routes carrossables et le chemin de fer diminuaient les inconvénients de sa situation périphérique; on créa l'usine à gaz en 1859 et la filature Meiersboden (1861-1886). Cependant Coire ne devint jamais une cité industrielle. Les ateliers de l'Union-suisse puis des CFF, avec 300 employés au maximum, y ont presque toujours été la plus grande entreprise. Néanmoins les draps Pedolin (1789-1982), la fabrique de pâtes alimentaires (1841), la fonderie (1892), la chocolaterie (1893), les Brasseries rhétiques (fusion en 1902) se sont fait un nom. Au milieu des années 1950, la promotion municipale a su attirer un peu d'industrie. Le textile et la métallurgie ont connu des difficultés dans les années 1970 et 1980. En outre, des entreprises ont quitté la commune pour l'agglomération, comme en 1989 la fabrique de balances Busch (fondée en 1919). Les arts et métiers, notamment ceux de la construction, dominaient encore le secteur secondaire, avec quelques fabricants d'électronique dans les années 1990. Outre les services cantonaux, Coire dispose d'un fort secteur tertiaire (transports, commerce de détail, écoles), favorisé par l'absence de proches grandes villes.
Formation et culture, Eglise et vie religieuse
Auteure/Auteur:
Jürg Simonett
Traduction:
Pierre-G. Martin
Autour de 1800, Coire fut le théâtre de nombreux soulèvements populaires et procès d'exception, la population étant divisée entre partisans de l'ordre ancien, réformistes et révolutionnaires. L'opposition entre la cour épiscopale et la cité protestante a subsisté. L'école catholique n'a été intégrée à l'école municipale qu'en 1966-1967. La forte immigration de Grisons, souvent romanches et catholiques (de l'Oberland, c'est-à-dire de la Surselva), de Saint-Gallois (Oberland et Rheintal), d'ouvriers allemands et italiens a brouillé l'image d'une ville essentiellement protestante et germanophone. Les deux confessions sont à égalité depuis 1970. Romanches et italophones ont fondé des associations culturelles (Chor Viril Alpina Cuera, par exemple, en 1898). Coire abrite le siège des organisations linguistiques Pro Grigioni Italiano (1918) et Lia Rumantscha (1919).
Endroit du drapeau du syndicat des travailleurs du bois de Coire (fondé en 1887), réalisé pour le Premier mai 1892 (Rätisches Museum, Coire).
Envers du drapeau du syndicat des travailleurs du bois de Coire, réalisé pour le Premier mai 1892 (Rätisches Museum, Coire).
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L'extension du droit de vote à tous les Suisses établis (1874) modifia les rapports politiques. Le mouvement ouvrier, malgré la faiblesse numérique du prolétariat, gagna du poids, sous l'influence de compagnons allemands et italiens. De nombreux conflits du travail éclatèrent entre 1900 et 1914. Pendant la crise des années 1930, Coire découragea par tous les moyens l'immigration d'étrangers pauvres.
L'école municipale fut radicalement réformée en 1779. La création d'écoles cantonales (protestante en 1804, catholique en 1807, réunies en 1850) fit renoncer à l'école latine municipale. L'école normale grisonne ouvrit en 1853, l'école de perfectionnement (ancêtre de l'école secondaire) en 1872, l'école ménagère grisonne en 1895. Le technicum du soir (future école technique supérieure) fut créé en 1964, la haute école d'économie et d'administration en 1987. Le théâtre municipal, fondé en 1923, n'entretient plus de troupe depuis 1992, mais invite des spectacles. En 2010, la ville remit la responsabilité administrative de l'institution à une fondation (Stiftung Theater Chur). La maison de la corporation des Tailleurs abrite un petit théâtre(Klibühni Schnidrzumft) depuis les années 1970. Parmi les établissements culturels cantonaux, citons le Musée rhétique (1872), dont une partie des collections fut à l'origine, en 1919, des musées grisons des beaux-arts et d'histoire naturelle.
La villa Planta, aujourd'hui Musée cantonal des beaux-arts, photographiée en 1991 (Bündner Kunstmuseum, Coire).
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Jürg Simonett; Jürg Rageth; Anne Hochuli-Gysel; Linus Bühler; Martin Bundi; Max Hilfiker: "Coire (commune)", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 03.08.2021, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/001581/2021-08-03/, consulté le 08.12.2024.