
Comm. TG, chef-lieu du distr. homonyme. Centre régional sur la rive droite de la Thur, au pied de l'Ottenberg, au carrefour des lignes ferroviaires Zurich-Romanshorn (1855) et Wil-Constance (1911). La municipalité (Munizipalgemeinde) de W., créée en 1803, et la commune locale (Ortsgemeinde), formée en 1816, fusionnèrent en 1870 dans l'Einheitsgemeinde de W. L'ancienne commune locale de Weerswilen (sans Beckelswilen) fut rattachée à W. en 1995. 838 Quivelda. Anciennes municipalité et commune locale: 2130 hab. en 1831, 2256 en 1850, 2622 en 1870. Commune: 3516 hab. en 1900, 5823 en 1950, 9456 en 2000.

De nombreux vestiges, néolithiques et postérieurs, découverts au Thurberg attestent une occupation ancienne (haches en pierre, haches d'armes, haches à ailerons, fusaïoles, monnaies romaines). Sur l'Ottenberg se trouvaient les résidences seigneuriales de Bachtobel, Thurberg, Neuenburg et Straussberg, qui furent probablement détruites durant les guerres d'Appenzell en 1405-1407. Le château fort de W. (mentionné dès 1180), siège des chevaliers de W., ministériaux kibourgeois, passa avec les terres et droits afférents aux barons de Bussnang à la fin du XIIIe s. Le chapitre cathédral de Constance, les abbayes de Reichenau et Saint-Gall, ainsi que les comtes de Toggenbourg avaient aussi des possessions à W. A la suite du conflit entre l'empereur Sigismond et le duc Frédéric IV de Habsbourg, le tribunal suprême du landgraviat de Thurgovie, part des droits souverains contestés, fut remis en gage à la ville de Constance (1417-1499). Après la guerre de Souabe (1499), ce tribunal passa aux cantons confédérés, dont le bailli de Thurgovie, résidant à Frauenfeld, exerça la haute justice sur W. jusqu'en 1798.
Albrecht von Bussnang, juge autrichien en Thurgovie, et son beau-frère Wilhelm von Enne se partagèrent sans doute la seigneurie de W. vers 1380. Walter von Bussnang et Wilhelm von Enne se firent concéder ensemble la juridiction de W. par l'empereur Sigismond en 1418. Le fils du second vendit sa part à la ville de Constance en 1431. L'autre part, qui comprenait le château et la moitié de la seigneurie de W., changea plusieurs fois de détenteur. Elle passa vers 1435 du marchand saint-gallois Hugo von Watt au patricien de Constance Berchtold Vogt (sous lequel W. fut assiégé par les Confédérés en 1458 lors de la guerre des Plapparts), en 1466 à Christian Kornfail de Vienne (qui lui donna son premier coutumier en 1474), aux Muntprat de Constance (1496-1550). En 1542, Sebastian Muntprat échangea avec la ville de Constance ses droits sur le bailliage d'Eggen contre l'autre moitié de W. Il réunifia ainsi la seigneurie justicière, qui revint par héritage en 1550 à Hans Dietrich von Gemmingen, lequel la vendit en 1555 à Johann Jakob Fugger d'Augsbourg (1516-1575). Après d'autres changements de mains, elle fut acquise en 1614 par la ville de Zurich, qui la fit administrer par un bailli jusqu'en 1798. Le ressort comprenait, outre W., les hameaux de Burg, Vorder-Ottenberg, Aufhäusern, Stelzenhof et Eyerlen, une partie de Bachtobel et Boltshausen, ainsi que le moulin du Sangen.
Dès 1255, un prêtre desservait l'église Saint-Jean-Baptiste, qui fut une filiale de Bussnang jusqu'en 1316. La vente des droits de patronage au chevalier Hermann von Breitenlandenberg par le comte Konrad von Fürstenberg et Adelheid von Griessenberg (1354) fut confirmée en 1355 par le duc Albert II de Habsbourg. Avec l'appui de Zurich, W. adhéra à la Réforme en 1528. La messe fut réintroduite après la seconde guerre de Kappel (1531), mais les catholiques restèrent minoritaires, malgré l'appui que put leur apporter le bailli fédéral. Sous la domination zurichoise, le village devint même un bastion du protestantisme en Thurgovie. La parité confessionnelle, apportée par la paix d'Aarau après la seconde guerre de Villmergen (1712), ne modifia guère les rapports de force. Au XIXe s., les catholiques de Weerswilen et Ottoberg, ainsi que ceux de Märstetten dès 1867, suivaient la messe à W.
Le patronage passa de main en main, jusqu'à ce que la ville de Zurich rachète en 1614, parallèlement à la seigneurie, les dîmes aux barons de Gemmingen et la collation de la paroisse protestante à Arbogast von Schellenberg. La paroisse catholique élut elle-même son curé de 1463 à 1676, puis la collation appartint jusqu'en 1821 aux Reding von Biberegg. Catholiques et protestants partagèrent les biens ecclésiastiques en 1675 et la bourse des pauvres en 1713. L'église paritaire, reconstruite en 1726 par Jakob Grubenmann, fut démolie en 1902 et remplacée par une église protestante, tandis que les catholiques édifiaient en 1904 un lieu de culte au sud-est du village, près du cimetière.
Le Conseil comprenait, après 1514, un maximum de vingt-quatre membres, dont les Quatre, attestés dès 1491, et le sautier. Il était présidé, de même que le plaid et l'assemblée communale, par l'amman, désigné par le détenteur de la seigneurie. Le Conseil nommait le trésorier, le secrétaire, l'intendant de l'hôpital, le responsable de la douane à la halle et les forestiers. Une salle communale, mentionnée dès 1523, se trouvait au premier étage de la halle. On ignore quand fut construit l'hôtel de ville; cependant, la commune en afferma l'auberge en 1550. En 1606, la halle dut être reconstruite et fut dès lors désignée comme hôtel de ville; celui-ci fut remplacé par l'édifice actuel, dû à l'architecte Rudolf Hofmann, en 1832.
De l'époque moderne jusqu'à la fin de la Restauration, W. fut un lieu de rassemblement régional. L'état des seigneurs justiciers tint ses séances annuelles, jusqu'en 1798, à l'auberge Zum Trauben (bâtie en 1649). Dès 1619, les capitaines des huit quartiers militaires thurgoviens se rassemblaient toujours à l'hôtel de ville, sous la présidence du bailli zurichois de W. C'est sur la place de l'hôtel de ville que Paul Reinhart proclama l'indépendance de la Thurgovie en 1798 et que Thomas Bornhauser, chef du mouvement de la Régénération, demanda une nouvelle Constitution cantonale en 1830. W. s'efforça en vain de devenir le chef-lieu du nouveau canton. Mais depuis 1831, le Grand Conseil y siège chaque second semestre, en alternance avec Frauenfeld.
La céréaliculture prédominait, mais les vignes (surtout sur l'Ottenberg) jouaient un rôle important (exportations dans le Toggenbourg et en Souabe). Vers 1790, on comptait cinquante-cinq pressoirs, qui devaient la dîme au bailli zurichois. Dès 1600 au plus tard, les bourgeois avaient le droit de planter sur les communaux des arbres fruitiers, à leur seul profit et à celui de leurs descendants. En 1744, on y recensait 1050 cerisiers, 200 pommiers et 100 poiriers. La vaine pâture fut abolie en 1799 déjà, les communaux furent partagés et vendus aux paysans.
Le bourg de W. obtint un marché hebdomadaire en 1567, deux foires annuelles en 1568 et deux autres en 1691 (une cinquième s'y ajoutait au XIXe s.). Plusieurs familles s'adonnaient au commerce du vin, du fer et des articles d'apothicaire; les marchandises étaient transportées surtout par eau (Rhin et Thur). En 1858 encore, la commune disposait de son propre bateau. Le moulin du Sangen, rénové en 1615, fut désaffecté en 1770. Ayant obtenu des autorités zurichoises le droit de meunerie en 1784, la commune aménagea le moulin dit de Weinfelden; la famille Meyerhans en fit un moulin commercial à la fin du XIXe s. et eut plus tard des filiales à Baar, Malters et Villmergen.
Le tissage de coton Eduard Bühler & Co. (1857-1930; 274 ouvriers en 1888) et la fabrique de chaussures Freudiger & Co. (1910-1944; 110 ouvriers en 1923) furent des entreprises importantes. La Banque cantonale thurgovienne ouvrit en 1871. L'Union thurgovienne des arts et métiers et la Chambre thurgovienne du commerce et de l'industrie ont leurs sièges à W. depuis 1870, l'Union cantonale des paysans depuis 1935. Le corps enseignant des écoles professionnelles artisanale et commerciale comptait en 2010 respectivement 110 et 85 maîtres.