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Bellinzonecommune

Affiche réalisée en 1937 pour l'office du tourisme par Otto Ernst (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
Affiche réalisée en 1937 pour l'office du tourisme par Otto Ernst (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).

Commune TI, capitale du canton du Tessin depuis 1878, chef-lieu du cercle et du district de B. Le bourg est attesté au haut Moyen Age dans des sources littéraires, Grégoire de Tours (ad Bilitionem) et Paul Diacre. 1218 Bilizone; it. Bellinzona, nom all. Bellenz, ancien nom rom. Blizuna. Capitale du canton de B. de 1798 à 1803, du nouveau canton du Tessin de 1803 à 1814. De cette date à 1878, B., Lugano et Locarno, les trois villes les plus importantes, furent capitales à tour de rôle, tous les six ans. Outre la fraction d'Artore, la commune comprend Carasso, Daro et Ravecchia depuis 1907, ainsi que, depuis 2017, Camorino, Claro, Giubiasco, Gnosca, Gorduno, Gudo, Moleno, Monte Carasso, Pianezzo, Preonzo, Sant'Antonio et Sementina.

Bellinzona (commune): carte de situation 2022 (Géodonnées: Office fédéral de la statistique, Swisstopo, OpenStreetMap) © 2022 DHS.
Bellinzona (commune): carte de situation 2022 (Géodonnées: Office fédéral de la statistique, Swisstopo, OpenStreetMap) © 2022 DHS.

Population de la commune de Bellinzone

Année159117811808
Habitantsenv.    200 feuxenv. 1 1001 260
    
Année 18501880a19101930195019701990b
Habitants 3 2094 03610 40610 70612 06016 97916 849
LangueAllemand  1401 028 831 8071 040 681
 Français      6   74 127 162 179 209
 Italien 3 8879 2669 71211 05315 57414 948
 Autres      3   38   36   38 1861 011
ConfessionProtestants    43 632 550 577 844 626
 Catholiques 3 9858 9479 57711 19615 81714 592
 Autres et sans confession     8 827 579 287 3181 631
 dont sans confession      879
NationalitéSuisses2 7423 2606 9368 75510 42712 84811 924
 Etrangers 467 7763 4701 9511 6334 1314 925

a Habitants et nationalité: population résidante; langue et confession: population "présente"

b 16463 habitants en 2000; les chiffres par catégories n'étaient pas disponibles au moment de la rédaction.

Population de la commune de Bellinzone -  Archivio di Stato del Cantone Ticino; Office fédéral de la statistique

Préhistoire

Contrôlant l'accès aux cols alpins du Nufenen, du Gothard, du Lukmanier et du San Bernardino, B. occupe également une position clé par rapport à la plaine du Pô. La liaison, à l'est, par le San Jorio est aussi importante. L'arête gneissique du Castel Grande, qui se prolonge vers la vallée du Tessin, a servi de pôle d'attraction; c'est à la fois un verrou et un abri. Le Castel Grande est le site habité le plus ancien du Tessin, sans interruption jusqu'à nos jours. Les plus vieilles traces de présence humaine ont été découvertes à son sommet, sur un petit plateau de lœss. Des fouilles furent menées en 1967-1968 par Werner Meyer, puis en 1984-1985 par l'Office cantonal des monuments historiques. Du Néolithique ancien (env. 5300-5000 av. J.-C.), il subsiste des vestiges d'habitations quadrangulaires. La céramique retrouvée révèle une influence de l'Italie du Nord sur la civilisation agraire du Tessin néolithique. Au Néolithique moyen (env. 4500-4000 av. J.-C.), des huttes rondes ou ovales peuplaient la colline. La céramique trahit des échanges avec la civilisation dei vasi a bocca quadrata de la plaine du Pô. Au Néolithique récent, puis final (IVe et IIIe millénaires av. J.-C.), on voit s'affirmer des particularités locales et se développer des rapports plus étroits avec le territoire alpin. L'exploitation des ressources de ce dernier durant toute la période néolithique est illustrée par l'utilisation fréquente du cristal de roche comme matière première des outils. On cultivait l'orge et les pois. L'âge du Bronze est également bien représenté, notamment par un four de potier du Bronze moyen (1500-1300 av. J.-C.). Des moules en pierre ollaire attestent l'exploitation d'une fonderie de bronze. L'âge du Fer a livré des objets, mais non des vestiges d'habitations, celles-ci ayant été détruites par des travaux de terrassement. La vallée du Tessin, autour de B., était alors fortement peuplée (nécropoles d'Arbedo-Castione, de Giubiasco et de Gudo). Dès cette époque, ou après la conquête romaine, l'agglomération déborda rapidement du petit plateau en direction du sud. Des sépultures de l'âge du Fer ont été exhumées au château de Sasso Corbaro, à Daro, Dragonato, Galbisio et San Paolo. Un trésor du IIe s. av. J.-C., composé d'imitations de drachmes de Marseille, provient probablement de B.

Epoque romaine

Des vestiges romains sur le Castel Grande remontent à la fin du Ier s. av. J.-C. et au Ier s. de notre ère. Le IVe s. a laissé un important rempart avec sa porte; il fermait le plateau du côté sud et appartenait probablement à un castrum. De nombreuses réparations et constructions mitoyennes montrent qu'il servit jusqu'au Xe s.

Moyen Age

Pendant la majeure partie du Moyen Age, les événements historiques concernant B. se sont concentrés autour de Castel Grande. La rareté des découvertes archéologiques faites dans le périmètre de la ville actuelle et les nombreuses modifications apportées aux constructions au cours de l'histoire ne permettent pas d'établir clairement l'évolution des bâtiments situés en contrebas de la colline. Une reconstitution n'est possible qu'à partir du XIIIe s., date du premier document écrit. On suppose qu'auparavant un premier centre habité s'était créé à l'ombre du castrum, le long de la voie de communication - qui existait probablement déjà dans l'Antiquité tardive - et qui, venue du sud, s'engageait entre Castel Grande et la colline de Montebello, en passant devant les églises pré-romanes de Saint-Blaise de Ravecchia et de Saint-Paul d'Arbedo. La domination des Goths puis celle des Byzantins après la fin de l'empire romain n'ont laissé aucune trace. En revanche la présence des Lombards est clairement attestée par les sources littéraires. Grégoire de Tours affirme en effet qu'une colonne de Francs descendue des cols alpins en 590 rencontra une farouche résistance lombarde aux alentours du château. Il s'agit par ailleurs de la première apparition du château dans les sources (ad Bilitionem), mentionné ici en tant que castrum de la ville de Milan et localisé dans les Campi Canini (probablement le lieu d'une bataille ayant opposé en 457 Romains et Alamans dans la basse vallée du Tessin). A l'époque lombarde, le château de B. était défendu par des soldats libres, appelés arimanni; sa situation privilégiée permettait de surveiller l'accès aux cols alpins. Il contrôlait le flux des voyageurs et des marchandises qui empruntaient la principale voie de communication entre Castel Seprio (Varèse) et Coire, via Ponte Tresa, le Monte Ceneri, Biasca et le col du Lukmanier. Certains chercheurs soutiennent que B. était alors au centre d'un comté qui comprenait aussi les vallées supérieures.

Avec l'avènement de la domination franque (774), Castel Grande connut plusieurs transformations: on construisit à l'intérieur des murs des oratoires, des habitations, des tours et des dépôts; de nouveaux travaux sous les Ottoniens donnèrent finalement à la colline des allures de citadelle. La cession de B. à l'évêque de Côme (1002/1004) sonna pour Milan la perte de son pouvoir sur les territoires du Sopraceneri; elle donna aussi lieu à de nouvelles constructions sur la colline dont, vraisemblablement, la transformation de l'ancien palais royal en résidence épiscopale. Durant l'époque "communale", XIe-XIIe s., mais surtout dès le début du XIIIe s. et l'ouverture du col du Saint-Gothard, les établissements situés au pied du château connurent un épanouissement lié au développement des échanges commerciaux. Conquise par Milan en 1242, la forteresse fut reprise par Côme en 1249. B. entrait ainsi dans le jeu complexe des puissances qui se disputaient le pouvoir sur les territoires du sud des Alpes. Parmi celles-ci ressortent les Rusca, gibelins de Côme, et constructeurs présumés, vers la fin du XIIIe s., du Castello Piccolo (ou Montebello), le deuxième château de la colline, situé à l'est. On transféra à la même époque les maisons des chanoines de Castel Grande vers le centre en contrebas, où l'on érigea la nouvelle collégiale. Le bourg, d'après des documents de 1218, semble avoir acquis sa physionomie: ils mentionnent les noms des principaux quartiers (Codeborgo, Nosetto, Camminata) situés de part et d'autre de la route et celui de la place qui se trouve en face de l'actuel hôtel de ville. Dans les décennies qui suivirent, les documents mentionnent le percement de trois portes dans le mur d'enceinte, la construction de tours, de fossés et de ponts-levis.

En 1340, la conquête du bourg par Milan, qui visait à contenir les ambitions des Rusca réfugiés à B., marqua un tournant. D'un point de vue politique, le bourg et son ressort comprenant les hameaux de Ravecchia, Prada, Montecarasso, Daro, Artore et Pedemonte, ainsi que le comté de B. furent dès lors gouvernés par des officiers envoyés par les nouveaux seigneurs; les relations avec les autorités de Côme s'affaiblirent, sauf au spirituel, et B., "terre murée" défendue par deux forteresses, se retrouva soumise à l'autorité directe des Visconti. Les fonctionnaires civils et militaires (podestats, capitaines, commissaires et châtelains), aux fonctions limitées dans le temps, jouissaient d'une grande liberté d'action dans leur gouvernement: représentants de Milan, ils exerçaient avant tout des charges politiques, administratives et judiciaires, et surveillaient aussi les activités du Conseil, l'organe du gouvernement local.

Sous les Visconti, B. devint le chef-lieu des territoires alpins: les magistrats surveillaient les fonctionnaires des communautés limitrophes de la Léventine, de Blenio et de la Riviera (vallées Ambrosiennes). Les deux châteaux furent transformés en forteresses d'Etat gouvernées par des châtelains, officiers de toute confiance, dont les compétences étaient précises: ils s'occupaient des continuels travaux d'entretien. Dans la seconde moitié du XIVe s. on érigea une longue muraille (la Murata) afin de barrer complètement la vallée du Tessin. Elle permettait une défense plus efficace, assurait le contrôle des mouvements commerciaux (on percevait en effet à B. un péage plus important que celui de Côme), devait aussi freiner la contrebande de sel et de denrées alimentaires qui diminuait les entrées de l'Etat milanais. Cette période de stabilité s'interrompit à la mort de Jean Galéas Visconti (1402), duc de Milan depuis 1395, qui fut suivie de graves désordres et de profondes transformations. En 1403, B. fut occupée par les von Sax (ou de Sacco), seigneurs de la Mesolcina, alors qu'au nord, Uri et Obwald entrés en possession de la vallée de la Léventine, se faisaient menaçants. En 1419, B. fut cédée aux deux cantons, jusqu'au jour où, en 1422, Milan reconquit le bourg et les châteaux et les défendit avec succès contre l'assaut des troupes confédérées à la bataille d' Arbedo (30 juin 1422). Une fois la paix conclue en 1426, les frontières du duché furent à nouveau déplacées sur la ligne de faîte alpin; mais les troupes uranaises revinrent en force en 1439, menaçant B. et forçant les Visconti à céder en échange la Léventine jusqu'à Pollegio (1441). A la mort du duc Philippe Marie (1447), B. fut au centre des revendications territoriales de Franchino Rusca, seigneur de Locarno, d'Heinrich von Sax-Misox et de ses alliés uranais. Cette période tumultueuse, marquée par la bataille de Castione en juillet 1449, prit fin avec l'entrée à Milan du condottiere François Sforza à qui B. se soumit au printemps 1450. La domination des Sforza permit à B. de vivre trois lustres de stabilité, favorisée par les bonnes relations de voisinage entre Milan et les Confédérés. A la mort de François Sforza (1466) suivit une nouvelle période de tensions malgré le capitulat signé en 1467 entre les cantons, le nouveau duc Galéas Marie Sforza et sa mère Blanche Marie Visconti. La crise s'envenima encore plus lorsque mourut le duc (26 décembre 1476), au lendemain des victoires remportées par les Confédérés sur Charles le Téméraire. Le siège des Suisses, en décembre 1478, éprouva lourdement les ressources économiques et financières du bourg, ainsi que la résistance de la population, et contraignit Milan à entreprendre d'importants travaux de renforcement des ouvrages de défense: en 1479 on éleva en toute hâte le troisième château (Sasso Corbaro) et on reconstruisit à neuf la Murata; on jeta enfin un pont sur la rivière Tessin, inauguré par le duc Ludovic le More en 1487. La descente en Lombardie du roi de France Charles VIII en 1494 se conclut par la fuite de Ludovic en 1499 et la profonde crise qui s'ensuivit dans le duché ouvrit la voie aux armées étrangères. B. fut occupée par les Français jusqu'à ce qu'une insurrection armée des habitants les en chasse dans les premiers mois de 1500. La capture du More, le 10 avril 1500, poussa la population à suivre l'exemple de la Léventine, de Blenio et de la Riviera, et à se soumettre aux Confédérés, le 14 avril 1500.

XVIe-XXe siècles

Après le traité de paix d'Arona (1503), le bourg fortifié et le comté firent partie des territoires administrés directement par Uri, Schwytz et Nidwald. Les trois cantons souverains reconnurent et confirmèrent les anciens statuts de B. qui continua de jouir d'une certaine autonomie. Le nouvel ordre politique de la région eut aussi des répercussions économiques. Une partie des recettes fiscales provenant du commerce de transit (péage) ainsi que les taxes de justice n'étaient plus versées dans les caisses de la commune mais encaissées par les trois cantons, ou par leurs commissaires, qui se relayaient tous les deux ans. La diminution des recettes fiscales n'était cependant pas contrebalancée par celle des dépenses: B. avait par exemple l'obligation de maintenir ses voies de communication dans un état irréprochable, tâche qui absorbait à elle seule une bonne partie des dépenses courantes. Quand les Confédérés dominèrent tout le territoire de l'actuel canton du Tessin, la situation économique de la région empira encore: la diminution du prix de la ferme des péages marque nettement la décadence de B. comme douane. Toutefois, le bourg continua de jouer un rôle important en tant que marché régional où se vendait l'excédent de la production agricole (l'importante foire de la Saint-Barthélemy se tint jusqu'en 1420, le 24 août). De plus, par sa position, B. était un lieu de passage obligé pour le transit des marchandises entre l'Italie et le reste de l'Europe: les transports et le commerce, en particulier celui des tissus, des céréales, des bestiaux et du vin, représentaient les activités économiques principales du bourg. Le monopole de ces activités commerciales reposait alors entre les mains des familles patriciennes, dont certaines étaient propriétaires hors les murs de terres exploitées en métayage. De nombreux paysans pratiquaient l'élevage du ver à soie et la soie brute était écoulée sur le marché international.

Il ne semble pas que B. ait connu de véritables corporations. La seule profession réglée, qui groupait les familles patriciennes les plus en vue, paraît être celle des marchands de céréales, qui détenaient le monopole de ce commerce. Elle devait jouer un rôle important dans la vie locale puisque les charges les plus importantes étaient occupées par ses membres. Son patron était saint Fulgence; un autel, construit dans la seconde moitié du XVIIIe s. aux frais de la corporation qui en avait le patronage, lui était dédié dans la collégiale.

L'origine de la collégiale de B., sous le vocable de saint Pierre et saint Etienne, n'est pas sûre: située dans l'ancien quartier ad la Mottam, probablement construite au XIIIe s. et attestée comme collégiale en 1421, elle fut vraisemblablement transformée et agrandie entre la fin du XIVe s. et le début du XVe s., et entre 1733 et 1764; la façade de l'église Renaissance a été baroquisée. L'église Sainte-Marie des Grâces, remontant à la fin du XVe s. et décorée de précieuses fresques Renaissance, a fortement pâti de l'incendie du 31 décembre 1996. L'annexe du couvent des franciscains, sécularisé en 1848, abrite une maison pour les personnes âgées depuis 1919. Sainte-Marie du Pont remonte sans doute au milieu du XIVe s.; au XVIe s., elle a pris le nom de Saint-Roch, d'après la confrérie qui s'y était installée en 1583. Notre-Dame de Lorette (érigée au XVIe s. et démolie en 1892) était l'église du couvent des ursulines, supprimé en 1848. Le couvent, construit en 1743, fut transformé entre 1848 et 1851 pour devenir siège du gouvernement cantonal.

Affichette pour le service des voyageurs entre l'Italie et l'Allemagne, Bellinzone, juillet 1824 (Musée de la communication, Berne).
Affichette pour le service des voyageurs entre l'Italie et l'Allemagne, Bellinzone, juillet 1824 (Musée de la communication, Berne).

Le cadre économique resta quasiment inchangé jusqu'au début du XIXe s.: B. était un des nœuds de transit les plus importants de toute la Confédération et le commerce connut même un accroissement dans les premières décennies du XIXe s. Mais ce phénomène, conséquence des améliorations apportées au réseau routier entre Chiasso et le Saint-Gothard (1804-1830), ainsi que de la construction du pont-digue de Melide (1847), n'est en nul point comparable à ce qui se passa après la construction de la ligne du Gothard (1882). L'ouverture du chemin de fer eut en effet des répercussions fondamentales sur la société, l'économie et l'urbanisme. La vie économique de B. connut un véritable tournant caractérisé par une croissance démographique soutenue, l'apparition des premières industries et l'augmentation des activités liées au secteur des services. Si l'arrivée du chemin de fer transforma bientôt B. en un nœud ferroviaire de premier ordre, elle accéléra aussi son déclin en tant que centre international d'expédition de marchandises, au profit de Chiasso et de Lugano; ce déclin fut partiellement compensé par le choix de B. comme chef-lieu du canton (1878) et par la construction de l'atelier de réparations de la Compagnie ferroviaire du Gothard (1884), qui comptait 140 ouvriers en 1882 et 757 en 1909. Le développement du réseau routier et le rail favorisèrent aussi l'implantation de nouvelles industries, dont la brasserie Bonzanigo (1878, devenue brasserie Bellinzona), ou la relance de celles déjà existantes. La filature Paganini par exemple, ouverte vers 1830 et auparavant la seule industrie, vit sa production augmenter, momentanément tout au moins, puisque celle-ci baissa fortement durant les années 1884-1886 sous la pression de la concurrence étrangère et s'interrompit définitivement en 1890. Des fabriques de chapeaux, des imprimeries et des industries chimiques et pharmaceutiques s'ajoutèrent à l'industrie de la soie. On vit aussi apparaître des agences d'assurances et des banques: au début du XXe s. B. comptait trois établissements de crédit. La ville, qui était le siège du XIe arrondissement des postes et téléphones, devint bientôt un centre important de tri des lignes télégraphiques. On enregistra entre 1880 et 1910 une très forte augmentation de la population, due surtout à l'arrivée d'étrangers et de Suisses (et en partie à la fusion avec Ravecchia, Daro et Carasso), qui modifia profondément la structure sociale. En effet, les familles patriciennes virent peu à peu leur importance diminuer; à l'ancienne bourgeoisie citadine qui avait dominé pendant des siècles l'économie et la vie sociale se substitua une nouvelle classe d'entrepreneurs, souvent d'origine modeste.

La révolution radicale de 1839: au début de décembre, la municipalité de Bellinzone organise la garde civique, occupe l'arsenal et se prépare à marcher sur Locarno sous le commandement du colonel Giacomo Luvini. Lithographie d'Antonio Soldati (Musée national suisse, Zurich).
La révolution radicale de 1839: au début de décembre, la municipalité de Bellinzone organise la garde civique, occupe l'arsenal et se prépare à marcher sur Locarno sous le commandement du colonel Giacomo Luvini. Lithographie d'Antonio Soldati (Musée national suisse, Zurich). […]

L'évolution du bourg entre la fin du XIXe et les premières décennies du XXe s. toucha aussi les structures politiques et administratives. La révolution libérale de 1890 (Révolution tessinoise) marqua la début de la prépondérance du parti libéral-radical dans la politique locale. Il reste aujourd'hui majoritaire, malgré la bonne tenue des vieux partis (conservateurs et socialistes) et l'arrivée de nouveaux courants. Son organe, Il Dovere (La Regione), a été imprimé à B. de 1878 à 1992. Les principales institutions communales sont la municipalité (11 membres à l'origine, 5 après 1952, 7 depuis 1992) et le Conseil communal de 50 membres, créé après la fusion de 1907. Les organisations syndicales et liées au mouvement ouvrier remontent à la même époque. En 1899, un congrès tenu à B. fondait la Fédération des syndicats professionnels, future Chambre du travail. Et la ville devint en 1917 le siège cantonal du syndicat des cheminots (actuel SEV, soit syndicat du personnel des transports).

Développement de la ville de Bellinzone 1850-1990
Développement de la ville de Bellinzone 1850-1990 […]

Le développement économique et démographique des dernières décennies du XIXe s. s'accompagna d'un rapide processus de transformation des structures urbaines demeurées inchangées depuis le Moyen Age. Au début du siècle encore, B. était pratiquement concentrée à l'intérieur des murailles, entre Castel Grande et le château de Montebello. Toute nouvelle construction s'inscrivait dans cette zone et l'on occupait le moindre espace vert. Le réseau routier interne était encore extrêmement simple: une seule artère principale reliant du sud au nord la porte de Lugano à la porte Tedesca (d'Allemagne) traversait le bourg. Une seconde rue partait de cette artère à la hauteur de la mairie et menait vers la porte de Locarno. Hors les murs les constructions étaient rares: presque inexistantes au nord, elles se limitaient à quelques bâtiments agricoles au sud, entre la porte de Locarno (le quartier actuel d'Orico) et la porte de Milan (place de l'Indépendance). On profita de l'agrandissement du réseau routier cantonal pour apporter aux rues citadines les premières modifications rendues nécessaires par l'augmentation du trafic de transit. Ces transformations touchèrent d'abord les murs des châteaux, dont l'imposante Murata. A la fin des années 1860-1870, une bonne partie des bastions furent abattus, tout comme les portes. De nouvelles infrastructures administratives s'installèrent en-dehors des murs, vers le siège du gouvernement (l'ancien couvent des ursulines). La région près de la rivière Tessin fut aussi fortement transformée, en particulier grâce au pont de la Torretta, construit entre 1813 et 1815. L'expansion urbaine la plus remarquable se fit vers le nord, sur le territoire de Daro, où on implanta la gare (1874) et l'atelier de réparations de la Compagnie du Gothard. C'est là que se développa le quartier San Giovanni, premier quartier industriel de B. Le centre fut relié à la gare par un boulevard (1873-1875) sur lequel furent construits des hôtels, des banques et des magasins, et l'on sacrifia ainsi une importante partie des remparts. On transforma aussi l'ancien centre-ville pour y construire de nouvelles habitations et on élargit les rues afin de rendre la circulation des personnes et des véhicules plus fluide. Parallèlement à ce développement exceptionnel, la commune procéda à la modernisation ou à la création de ses infrastructures. C'est ainsi qu'elle inaugura en 1847 le Teatro Sociale, le meilleur exemple suisse de théâtre à l'italienne: fermé en 1971, restauré, il a été rouvert en 1997. En 1891, la première entreprise électrique tessinoise entrait en fonction. On agrandit le réseau de distribution d'eau potable créé en 1869, endigua le torrent Dragonato, qui jusqu'alors causait régulièrement des inondations. Quant aux canalisations des eaux usées, on projeta depuis le début du XXe s. d'en renouveler le réseau. Ces initiatives touchèrent aussi le quartier autour du vieil hôpital Saint-Jean (dont la fondation remonte au XIVe s.), agrandi une première fois au début du siècle (1901-1903), puis complètement reconstruit entre 1935 et 1940. L'école enfantine ouvrit en 1855, le collège secondaire en 1852. L'année 1895 vit l'inauguration de l'école cantonale de commerce, dont l'importance s'accrut au cours du XXe s. et à laquelle vinrent s'ajouter l'école des arts et métiers et le gymnase. La fusion de B. et des communes limitrophes de Daro, Ravecchia et Carasso est liée à l'accroissement démographique qui poussa les autorités communales à rechercher de nouveaux terrains constructibles. On termina aussi à cette époque les travaux de correction de la rivière Tessin, ce qui permit de récupérer des terrains plats en direction de Carasso. Même si, d'un point de vue démographique, une évidente stagnation caractérise les années 1914-1945 (10 046 habitants en 1910, 10 948 en 1941), on verra plus tard des constructions dans les zones résidentielles créées autour de la gare et dans la plaine du Tessin.

La partie inférieure de Daro et la nouvelle gare ferroviaire, photo anonyme vers 1880 (Musée de la communication, Berne).
La partie inférieure de Daro et la nouvelle gare ferroviaire, photo anonyme vers 1880 (Musée de la communication, Berne). […]

L'après-guerre connut en revanche un fort accroissement démographique jusqu'à la crise économique des années 1970 qui entraîna une baisse de la population (16 979 habitants en 1970, 16 849 en 1990). On assista dès 1950 à un processus de suburbanisation touchant toute l'agglomération (Arbedo-Castione, Camorino, Giubiasco, Gorduno, Lumino, Montecarasso, Sementina): alors que la densité de la population augmentait dans les communes de l'agglomération, on constatait une stagnation de la population domiciliée à B. où l'on enregistrait toutefois une augmentation des emplois. Une distinction toujours plus grande entre lieu de travail et lieu de résidence amène de nombreux déplacements pendulaires de travailleurs et d'étudiants. La région environnante, qui compte les districts tessinois de B., de la Riviera et le district grison de la Moesa, constitue le réservoir de main-d'œuvre le plus grand de la ville et a fait de B. un important pôle régional de développement. La concentration des emplois dans le centre de la ville est liée aux transformations structurelles qui caractérisent le développement économique du Tessin dans la seconde moitié du XXe s. Si, jusqu'aux années 1940 au moins, le déclin de l'agriculture et des autres activités liées au secteur primaire avait profité à l'essor du secteur secondaire, on constate depuis la fin de la guerre un développement progressif du secteur tertiaire, qui a transformé B. en une ville d'employés et de fonctionnaires cantonaux. Ces activités se concentrent presque exclusivement dans le centre-ville, alors que l'agglomération et la région environnante accueillent les activités artisanales et industrielles.

Développement de l'agglomération de Bellinzone depuis 1930
Développement de l'agglomération de Bellinzone depuis 1930 […]

Les châteaux de B. font partie des fortifications les plus importantes et les mieux conservées de Suisse. Avec l'imposante Murata qui fermait la vallée, ils formaient un complexe défensif pratiquement inexpugnable. Cependant, ils perdirent définitivement leur intérêt et leur fonction stratégiques avec l'arrivée des Confédérés. Pendant les trois siècles que dura la sujétion aux cantons suisses, les châteaux furent le siège des troupes des trois cantons - en réalité une poignée d'hommes - et ne subirent aucune transformation majeure. La naissance du canton du Tessin ne changea pratiquement rien à la situation. Durant les premières années du XIXe s., Castel Grande fut utilisé comme arsenal et comme prison. C'est seulement vers le milieu de ce même siècle, et pour peu de temps, que les châteaux retrouvèrent leur fonction d'origine. En effet, préoccupé par l'instabilité de la situation internationale, le général Guillaume-Henri Dufour soutint le projet de restauration des murs. En 1853, à la suite du blocus que l'Autriche décréta contre le Tessin, on employa une partie des nombreux sans-travail du canton aux travaux d'agrandissement des fortifications et à la construction de la nouvelle caserne (1857), ce qui valut à B. de devenir place d'armes fédérale en 1879. Les bâtiments de Castel Grande (ou château Saint-Michel d'après la dénomination adoptée en 1818) furent parmi ceux qui subirent les transformations les plus profondes au cours du XIXe s.: entre 1850 et 1860 on agrandit l'arsenal construit en 1820, auquel était annexée la prison; on transféra les prisonniers au nouveau pénitencier de Lugano en 1873. D'autres travaux d'agrandissement furent entrepris entre 1884 et 1910. Avec le début du XXe s. naît un nouvel intérêt pour la conservation du château, qui ne déboucha toutefois pas sur des résultats notables. Un premier projet fut présenté en 1939 mais ne fut jamais réalisé; en 1953, à l'occasion des manifestations marquant les cent cinquante ans de l'indépendance du canton, on entreprit quelques travaux de démolition et de reconstruction. La dernière intervention, la plus importante, dura une dizaine d'années et prit fin en 1992. Due à l'architecte tessinois Aurelio Galfetti, elle a utilisé l'ancienne structure et l'a fait revivre dans un contexte tout différent (création d'un parc, salles de musée, etc.) Le château de Montebello ou de Saint-Martin, intégré à l'intérieur des murailles durant la seconde moitié du XIVe s., devint en 1798 propriété de la famille Ghiringhelli. Au début du XXe s., il fut racheté par le canton et restauré. Les travaux débutèrent en 1902 et prirent fin en 1910 avec l'inauguration du musée municipal. En 1871, un comité de citoyens se forma dans le but de transformer le château de Sasso Corbaro (ou de Sainte-Barbe) en hôtel; le projet ne fut pas réalisé, mais on demanda en 1897 que le château soit restauré. Durant les années qui suivirent, le château accueillit un restaurant. En 1919, la commune refusa une proposition qui voulait faire de Sasso Corbaro un restaurant de luxe et mit le bâtiment sous tutelle. Restauré entre 1930 et 1935, le château a abrité de 1964 à 1997 le Musée des arts et des traditions populaires du canton.

Sources et bibliographie

  • AV Bellinzone (aux ASTI)
Préhistoire
  • P.A. Donati, «Bellinzona a Castel Grande - 6000 anni di storia», in ArS, 9, 1986, 94-109
  • R. Carazzetti, «La ceramica neolitica di Bellinzona, Castel Grande», in ArS, 9, 1986, 110-115
Moyen Age
  • H. Lieb, éd., Lexicon topographicum der römischen und frühmittelalterlichen Schweiz, 1967
  • W. Meyer, Il Castel Grande di Bellinzona, 1976
  • Pagine bellinzonesi, 1978
  • D. Bonacina, Evoluzione urbana, concezioni urbanistiche, gestione dello spazio nelle città ticinesi (dal XIV sec. ai nostri giorni), mém. lic. Fribourg, 1986
  • G. Chiesi, Bellinzona ducale, 1988
  • G. Vismara et al., Ticino medievale, 1990
  • G. Chiesi, «Itinerario medievale bellinzonese», in Bellinzona nella storia e nell'arte, éd. G. Chiesi, V. Pini, 1991, 13-93
  • G. Chiesi, «Le provvisioni del consiglio di Bellinzona 1430-1500», in AST, 114, 1993, 1-80; 115, 1994, 81-148
XVIe-XXe siècles
  • INSA, 2, 245-345
  • A. Galfetti, C. Negrini, «Il restauro di Castelgrande», in Rivista Tecnica, 12, 1991
Liens
Notices d'autorité
GND

Suggestion de citation

Martin Peter Schindler; Giuseppe Chiesi; Pablo Crivelli; Chiara Orelli: "Bellinzone (commune)", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 16.12.2022, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/002031/2022-12-16/, consulté le 12.04.2024.