Rottweil
Version du: 25.09.2014
Auteure/Auteur:
Winfried Hecht
Traduction:
Monique Baud-Wartmann
Chef-lieu d'arrondissement ("grande ville") du Bade-Wurtemberg, situé sur le cours supérieur du Neckar, à 61 km au nord de Schaffhouse. 25 766 hab. en 2009. Position stratégique fondée en 73/74 apr. J.-C. par la XIe légion stationnée à Vindonissa, puis municipe nommé Arae Flaviae. R. devint au haut Moyen Age un centre administratif alaman. A l'époque mérovingienne, les Francs transformèrent le site en domaine royal, mentionné en 771 dans la Vita vetustissima de saint Gall sous le nom de rotuvilla. Après le déplacement de la localité vers le quartier appelé Mittelstadt, R. devint un avant-poste du duché de Souabe. Sur le plan spirituel, le territoire de R. dépendait du diocèse de Constance. Au VIIIe s., le château fort sur le Neckar, situé au nord de la localité, appartenait à l'abbaye de Saint-Gall. A la même époque, des pèlerins venant de R. sont mentionnés à Saint-Gall.
La fondation d'une ville dans le secteur de la Mittelstadt échoua probablement au XIIe s. Le privilège de l'avoyer de R., attesté jusque vers 1600 et consistant à recevoir chaque année un autour de l'évêque de Coire, probablement au titre de cens récognitif, semble remonter à l'époque des Hohenstaufen. Au bas Moyen Age, la bourgade, située à environ 1 km au nord de la Mittelstadt, était probablement sous la domination des Hohenstaufen. En 1241, la fondation de la ville était pratiquement achevée. L'avoyer est attesté en 1230, les bourgeois en 1234, les consules en 1265, le bourgmestre en 1289 et la communauté des bourgeois avec son sceau en 1251. Lorsque R. reçut la Bulle d'or de l'empereur Sigismond en 1434, son statut de ville libre d'Empire était dès lors acquis.
L'avoyer et le bourgmestre, qui se relayaient chaque année, gouvernaient la ville à l'époque où elle était pays allié des Confédérés. Avec l'extension de son territoire, ses principaux magistrats furent recrutés parmi les membres les plus influents du Conseil. Ils dirigèrent notamment les quatres unités administratives de la campagne entourant R. (rattachées à des quartiers de la ville), constituées jusqu'à la fin du XVIe s. Le chancelier était aussi en charge du tribunal impérial; juriste professionnel, il exerça une influence grandissante et porta le titre de syndic de R. à la fin de l'Ancien Régime. Jusqu'à l'entrée en vigueur des nouvelles franchises en 1546, le Grand et le Petit Conseils formaient une seule instance qui comptait cinquante membres. Le nombre de corporations était alors également passé de onze à neuf. Les statuts de la ville furent fixés dans le Schweizer Laudum - décision arbitrale de la Confédération prise en 1579, équivalant à une constitution. La communauté, désormais représentée par les Dix-Huit (qui avaient remplacé les Vingt-Deux), avait un droit de veto à l'égard des décisions importantes du Conseil.
Relations avant les premières alliances
Auteure/Auteur:
Winfried Hecht
Traduction:
Monique Baud-Wartmann
R. représentait un marché important pour le bétail et les céréales. On y fabriquait du drap, mentionné en 1414 déjà dans le tarif douanier de Zurich, ainsi que des cloches et des canons exportés en Suisse septentrionale jusqu'au XVe s. En 1342, maître Heinrich, de Bâle, travaillait au clocher de la Kapellenkirche de R. Un fabricant de poudre est attesté à Berne en 1382 et des marchands de R. sont mentionnés à la foire de Zurzach dès le début du XVe s. Des pèlerinages expiatoires effectués à Einsiedeln, comptant parmi les premiers provenant de Souabe, sont connus dès 1462.
Le tribunal impérial de R., cour suprême en matière civile, revêtait une importance particulière pour la Confédération. Mentionné pour la première fois dans un document de 1299, il fut présidé depuis 1360, à titre héréditaire, par les comtes de Sulz. En 1315, à la demande de l'abbé d'Einsiedeln, il mit à deux reprises au ban Schwytz, Uri et Unterwald, au motif de rupture de la paix territoriale. En 1362, la juridiction de Zurich fut organisée sur le modèle du tribunal impérial.
Alliances avec les Confédérés
Auteure/Auteur:
Winfried Hecht
Traduction:
Monique Baud-Wartmann
Schaffhouse et R. conclurent une alliance en 1346. Lors de la multiplication des alliances urbaines en Allemagne du Sud, R. s'allia à des cités qui jouèrent un rôle dans la Confédération naissante, notamment en 1399 aux douze villes riveraines du lac de Constance. R. fut impliquée dans la défaite subie par les villes du lac contre Saint-Gall et Appenzell lors des guerres d'Appenzell en 1405. Dans le contexte de la lutte des villes libres de l'Allemagne du Sud contre les princes, les habitants de R. détruisirent à eux seuls en 1449 la forteresse de l'Autriche antérieure située sur l'Oberhohenberg voisin. Face aux demandes de réparation de l'archiduc Albert d'Autriche, les alliés souabes abandonnèrent R. Seule Schaffhouse, qui s'était alliée à la Confédération en 1454, lui vint en aide. Invitée à la Diète par Lucerne, R. fut reconnue en 1463 par les VIII cantons comme pays allié pour une durée de quinze ans. Les Confédérés s'engagèrent à secourir militairement les habitants de R., à leur demande et à leurs dans tous les cas. En contrepartie, R. s'engageait à soutenir militairement les Confédérés à ses frais et à leur laisser le libre accès à la ville. En outre, ils promirent de ne déclarer une guerre qu'avec leur accord et à se soumettre à leur décision en cas de médiation. La participation de R. aux guerres de Bourgogne découla de cette alliance. Des contingents de R. prirent probablement part aux batailles d'Héricourt et de Nancy et assurément à celle de Morat en 1476, ainsi qu'au siège de Neuss, sous le commandement de Pelagius Rüd. Après le renouvellement de l'alliance en 1477, ils participèrent pour la première fois aux campagnes des Suisses en Italie du Nord (1478). De petits contingents d'arquebusiers furent dès lors régulièrement engagés dans les combats, notamment à Bellinzone en 1503 et à Marignan en 1515. L'alliance avec la Confédération fut prolongée en 1490. Lors de la guerre de Souabe, R. était du côté des Confédérés, mais n'intervint pas dans les opérations militaires. Pour avoir pris part à la campagne de Pavie, R. reçut une bannière du pape Jules II grâce à la médiation du cardinal Mathieu Schiner (1512). R. participa encore à la campagne de Dijon en 1513, bien que le traité avec les Confédérés eût expiré en 1507.
Après la mort de l'empereur Maximilien, les XIII cantons et R. négocièrent une alliance perpétuelle qui fut jurée à R. par les deux parties les 24 et 25 septembre 1519. Les interventions militaires des Confédérés étaient désormais gratuites et les habitants de R. seraient dédommagés pour leur soutien lors des campagnes suisses. R. était aussi représentée au tribunal arbitral qui devait se réunir à Baden en cas de divergences entre les deux parties. L'alliance réglait en outre l'assistance juridique dans la lutte contre la criminalité, ainsi que les relations économiques entre les deux parties (renonciation réciproque à l'introduction de nouveaux péages et introduction de la clause de la nation la plus favorisée). Globalement, l'alliance perpétuelle de 1519 reflétait les idées développées dans la fameuse école latine de R., notamment par des élèves comme Glaréan ou Oswald Myconius, qui répandaient une doctrine favorable à la Confédération. A la Diète de Baden, les représentants de R. siégeaient comme pays allié.
Les rapports entre Rottweil et la Confédération aux XVIe et XVIIe siècles
Auteure/Auteur:
Winfried Hecht
Traduction:
Monique Baud-Wartmann
Lors de la Réforme, les relations furent pour la première fois sérieusement mises à mal. Les catholiques de R. étaient soutenus notamment par le landamman schwytzois Caspar Ab Yberg, alors que les protestants avaient le soutien de Berne, par l'intermédiaire de Valerius Anshelm. La plupart des protestants, expulsés de R. en 1529, trouvèrent refuge en Suisse. Pendant les guerres de Kappel, R. servit d'abord de médiateur, mais participa ensuite aux hostilités aux côtés des cantons catholiques. En 1531, Zurich demanda la résiliation de l'alliance avec R.
Malgré ces perspectives défavorables, les deux parties essayèrent de conserver leurs relations dans l'esprit de l'alliance perpétuelle. Ce fut notamment le cas en 1540 lors de la guerre privée avec Landenberg, qui menaçait R., et en 1579 à l'occasion du Schweizer Laudum, par lequel une délégation de la Confédération composée de représentants de Zurich, Schaffhouse, Schwytz et Glaris trancha par arbitrage entre le Conseil de R. et les Dix-Huit (représentants de la commune). En 1546, R. ne renouvela pas ses liens avec l'Autriche, remontant à 1507. La ville fut alors incluse dans les alliances et traités des Confédérés et les étudiants de R. bénéficièrent des bourses suisses au Collège royal de Paris (dès 1523) et au Collège helvétique de Milan (jusqu'en 1613). Malgré les différences confessionnelles, l'école latine de R. fut réformée sur le modèle zurichois en 1563. Un banneret suisse couronna la fontaine du Marché de R. et les armoiries des Confédérés décorèrent l'hôtel de ville.
Auteure/Auteur:
Winfried Hecht
Traduction:
Monique Baud-Wartmann
Ce n'est qu'avec la guerre de Trente Ans (1618-1648) que les rapports entre R. et la Confédération se modifièrent. En 1632, les protestants, entraînés par Zurich, estimèrent que R. avait porté atteinte à la neutralité de la Confédération en accueillant une garnison impériale, ce qui lui valut d'être exclue des délibérations de la Diète malgré l'opposition des cantons catholiques. La ville n'est plus mentionnée comme pays allié dans le traité de Ryswick de 1697, bien que l'alliance perpétuelle de 1519 n'ait jamais été formellement résiliée. On estimait désormais que le statut de pays allié était incompatible avec celui de ville libre d'Empire. La Suisse et R. conservèrent cependant des liens étroits. On le constate par exemple en 1696, lorsque les Confédérés soutinrent autant qu'ils le purent, indépendamment de leur confession, la reconstruction de la ville ravagée par un incendie. Les relations avec les cantons catholiques furent renforcées grâce aux capucins et aux jésuites. Johann Baptist Hofer, personnalité éminente de R., tenta dès 1793 de ranimer formellement l'alliance avec les Confédérés. En 1794, la Diète prit, dans un premier temps, ses distances face aux propositions de Hofer, mais rédigea ensuite une recommandation en faveur de R. Elle attira l'attention sur les relations entre la ville et la Suisse et fut remise aux troupes françaises. Hofer poursuivit ses efforts jusqu'en 1798, où il demanda à la Suisse de représenter R., sous une forme ou une autre, au congrès de Rastatt. Sa demande fut toutefois rejetée.
Le rattachement de la ville au Wurtemberg en 1802 empêcha une restauration des liens politiques avec la Confédération. Au XIXe s., les échanges économiques s'intensifièrent, lorsque la Suisse septentrionale devint pour une longue période le principal débouché pour le sel de R. Après l'échec de la révolution de 1848-1849, de nombreux démocrates trouvèrent refuge en Suisse. La construction de la voie ferrée entre Stuttgart et Zurich en 1875 stimula le commerce et les échanges. En 1913, des chanteurs de Brugg réactivèrent les liens d'amitié et se rendirent à R. Ce fut l'un des premiers jumelages internationaux, encore existants, dans le cadre duquel a lieu chaque année depuis 1985, à Brugg ou à R., une rencontre d'auteurs allemands et suisses.
Sources et bibliographie
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- K.S. Bader, «Rottweil und die Eidgenossenschaft 1796», in RHS, 30, 1950, 439-444
- P. Kläui, «Rottweil und die Eidgenossenschaft», in Zeitschrift für Württembergische Landesgeschichte, 18, 1959, 1-14
- G. Boesch, «Rottweil im Spiegel der eidgenössischen Geschichte», in Gfr., 122, 1969, 67-82
- W. Hecht, Eine Freundschaft durch die Jahrhunderte, 1969 (31979)
- W. Hecht et al., 450 Jahre Ewiger Bund, 1969
- W. Hecht, «Rottweil und der Habicht von Chur», in Gfr., 125, 1972, 209-214
- W. Hecht, «Das Juliusbanner des zugewandten Ortes Rottweil», in Gfr., 126/127, 1973/1974, 141-150
- W. Hecht, «Von Schweizer Fahnen des Zugewandten Ortes Rottweil», in AHér.S, 88, 1974, 36-42
- F. Richner, «Rottweil und der eidgenössische Vorort am Abend des Ancien Régime», in ZTb 1991, 1990, 96-120
- W. Hecht, «Rottweil im Schwabenkrieg», in "An Sant Maria Magtalena tag geschach ein grose schlacht", 1999, 205-218
- W. Hecht, «Rottweil zur Zeit Glareans», in Trossinger Jahrbuch für Renaissancemusik, 5, 2006, 93-102
Suggestion de citation
Winfried Hecht: "Rottweil", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 25.09.2014, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007104/2014-09-25/, consulté le 06.10.2024.