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Climat

On entend par climat la succession habituelle des phénomènes météorologiques touchant un territoire dans une période donnée. Ses principaux éléments sont la température de l'air, les précipitations et l'ensoleillement. Il dépend dans une certaine mesure du relief terrestre, voir par exemple le rôle important des Alpes en Suisse. Il agit sur l'environnement naturel, ce qui entraîne des conséquences démographiques, économiques, politiques et sociales, mais il peut aussi subir l'influence de facteurs humains.

Histoire du climat: les méthodes

On peut connaître le climat du passé grâce à des archives naturelles et culturelles. Les premières conservent les traces de processus liés au climat. Il s'agit d'une part de glaces (analysées par carottage), de dépôts, varves et sédiments calcaires garnissant les plans d'eau, de moraines laissées par d'anciens glaciers, de matériaux accumulés dans des fosses, des fonds de vallée ou lors de la formation de terrasses et d'autre part de témoins organiques: cercles de croissance des arbres (dès 700 apr. J.-C. environ), restes végétaux et animaux (insectes, larves de trichoptères), pollens et spores fossiles, bois fossiles, tourbières.

Les archives culturelles contiennent des comptes rendus de phénomènes météorologiques rares (anomalies, catastrophes naturelles), des observations quotidiennes, mensuelles ou saisonnières du temps qu'il fait (Climatologie), des résultats de mesure (Météorologie), ainsi que des descriptions de processus liés au climat, organiques ou non: avance ou retard de la végétation (sauvage ou domestique), rendement de la vigne, teneur en sucre du moût, premières neiges, gelées tardives, hautes et basses eaux. Aux textes s'ajoutent les images (vues anciennes de glaciers), les inscriptions sur des façades (dictons, marques de hautes eaux) et les documents matériels (anciens chemins, vestiges archéologiques, etc.).

Méthodes de mesure

Les collections de fossiles (troncs, insectes, plantes), les carottages de glace, les glaciers et les varves reflètent directement les climats anciens. En revanche, les analyses de pollen et la géomorphologie ne livrent généralement que des indices. Les archives culturelles doivent être soumises aux méthodes habituelles de la critique des sources.

Calibrées, les données indirectes de toute provenance permettent d'établir des statistiques climatiques. Pour dater les objets naturels, on recourt en outre à des méthodes spéciales: fossiles caractéristiques, dendrochronologie, carbone 14, méthodes chimiques.

Rareté ou abondance des données

Selon la chronologie classique des glaciations, sujette à révision mais à laquelle nous nous tiendrons ici, on attribue avec de notables incertitudes les sédiments les plus anciens à la glaciation de Mindel (il y a plus de 245 000 ans) et à l'avant-dernier interglaciaire (Mindel-Riss, 245 000-230 000 BP, before present). Pour le dernier interglaciaire (Riss-Würm, 130 000-115 000) et pour le Würm ancien (115 000-60 000) et moyen (60 000-30 000), les attributions sont plus sûres et l'on commence à avoir des précisions utilisables sur la situation climatique. Les données deviennent plus abondantes dès le Tardiglaciaire (17 000-10 000), mais elles restent surtout qualitatives, tirées de l'histoire de la végétation, des glaciers et du paysage, jusqu'au moment où l'on dispose de cercles de croissance et de documents écrits.

On trouve dans les chroniques des allusions aux anomalies climatiques et aux catastrophes naturelles dès 1300 apr. J.-C. environ, puis des séries d'observations saisonnières (dès 1500 apr. J.-C. environ), mensuelles, voire quotidiennes (dès 1550), généralement relatives au Plateau et surtout au triangle Bâle-Lucerne-lac de Constance; on les a replacées sur une échelle chiffrée des températures et des précipitations, à l'aide de calculs statistiques fondés sur des mesures comparatives. Des méthodes analogues ont permis d'estimer les moyennes mensuelles européennes, dès 1675, de la pression atmosphérique, de la température et des précipitations.

Johann Jakob Scheuchzer entreprit en 1708 à Zurich les premières mesures instrumentales de ces trois grandeurs et celles du niveau du lac. Les plus longues séries de relevés proviennent de Bâle pour la température et la pression atmosphérique (dès 1755), de Genève pour les précipitations (dès 1778). Pour le versant sud des Alpes, on peut se référer aux observations faites à Turin pour les températures (dès 1753) et à Milan pour les précipitations. Les quatre-vingt-huit stations du premier réseau météorologique national entrèrent en fonction en 1863. MétéoSuisse (ancien Institut suisse de météorologie) disposait en 2001 de 815 stations organisées en réseaux aux programmes différenciés.

Le climat jusqu'en 1200

Des glaciations à 8000 av. J.-C.

Les maxima des trois dernières glaciations, Mindel, Riss (180 000-120 000) et Würm (115 000-10 000) se caractérisent par un climat sec et très froid (température moyenne annuelle inférieure à 10°C), et par l'absence de la forêt. Celle-ci réapparut à chaque fin de glaciation à la faveur du réchauffement, avec des espèces peu exigeantes, supportant un climat encore froid et semi-désertique, comme le bouleau et le pin sylvestre (Flore). Dans les deux derniers interglaciaires, puis durant le Postglaciaire, dès 10 000 BP, des espèces aimant la chaleur (chêne, hêtre, charme, noisetier) se répandirent rapidement. L'optimum de l'interglaciaire Riss-Würm dépassait nettement les moyennes estivales actuelles. Le refroidissement à la fin des interglaciaires se manifeste par l'extension des forêts de conifères (sapins et épicéas), par l'essor des espèces peu exigeantes et par l'augmentation des herbacées.

L'avant-dernier interglaciaire (Mindel-Riss) fut partagé en deux périodes par une phase de climat frais à tempéré. La seconde fut plutôt plus sèche et plus fraîche que la première. La glaciation de Riss connut à son début au moins quatre interstades (phases de réchauffement climatique) caractérisés par un climat frais à tempéré, séparant des stades au climat froid et semi-désertique. Son maximum, très froid et sec, fut analogue à ce que sera celui de Würm. La fin de la glaciation de Riss, comme celle de Würm, connut un passage d'un climat froid et désertique à un climat frais à tempéré. Le début et la fin de l'interglaciaire Riss-Würm se caractérisent par un climat frais à tempéré, favorable aux conifères, et par de fortes précipitations, responsables d'une active érosion. La phase centrale vit prospérer les forêts mixtes; son climat chaud à tempéré ressemblait au Postglaciaire actuel, mais était sans doute plus variable, avec parfois des étés plus chauds et des hivers plus doux.

On distingue dans le Würm ancien trois stades au climat froid et sec, à la végétation de toundra parsemée de bouleaux et de pins sylvestres (la première fut la plus froide) et trois interstades au climat frais à tempéré (les deux premiers furent plus chauds et sans doute plus humides que le dernier). Cette alternance se poursuivit au Würm moyen, qui semble avoir été plus sec que l'ancien. Les glaciers atteignirent leur extension maximale vers 20 000-18 000, sous un climat semi-désertique très froid. La température était plus basse qu'aujourd'hui de 12 à 15°C en moyenne annuelle et de 8 à 10°C en été et il tombait environ 500 mm/an de précipitations en moins. La forêt disparut entièrement. Le réchauffement se fit en plusieurs poussées, vers 16 000, 14 500, 13 000 et 10 000, au cours du Tardiglaciaire.

Chronologie de l'histoire du climat et de la végétation de la Suisse
Chronologie de l'histoire du climat et de la végétation de la Suisse […]

Cette dernière période connut des stades (Dryas I et III) qui firent régner dans les Alpes un climat semi-désertique froid. Les températures annuelles moyennes du Dryas I (environ 17 000-15 000) étaient de 7 à 11,5°C inférieures aux actuelles. Les glaciers des Alpes progressèrent. Le réchauffement s'accéléra vers 14 500 (température moyenne en juillet sur le Plateau occidental: 10-12°C) et vers 11 000 (gain de 4,3-7,2°C en quelques décennies, pour la moyenne annuelle sur le Plateau). Les oscillations chaudes de Bölling (13 000-12 000) et Alleröd (11 700-10 700), séparées par deux brèves périodes de froid, permirent la reforestation; les températures annuelles moyennes n'étaient que de 2-3°C inférieures aux actuelles. Marqué par plusieurs avancées des glaciers, par un abaissement de 200 m de la limite supérieure de la forêt, le Dryas III (11 000-10 000) fit suite à un refroidissement de 3-4°C en quelques décennies (vers 11 000) et se termina par un réchauffement tout aussi rapide de 3-5°C, accompagné de précipitations plus abondantes. Puis, il y a 10 000 ans, au terme de la dernière glaciation, vint le Préboréal: les périodes de végétation s'allongèrent de quatre à cinq semaines, la limite de la forêt remonta de 400 m, les glaciers alpins fondirent et se réduisirent à leur taille moderne.

De 8000 av. J.-C. à 1200 apr. J.-C.

Après cette hausse rapide qui inaugura la période dite Postglaciaire ou Holocène, les températures se stabilisèrent à un niveau proche de l'actuel (0,6-0,7°C en plus ou en moins pour la moyenne estivale, d'après les dernières recherches), avec de faibles oscillations de 1,2-1,4°C, suffisantes cependant pour faire varier à plusieurs reprises la limite de la forêt (plus ou moins 100 m autour de son état actuel), le niveau des lacs et la taille des glaciers alpins. Pour ceux-ci, on reconnaît facilement la zone qu'ils recouvraient à leur maximum de 1850-1860 de notre ère, en aval du front actuel.

Le Postglaciaire a subi huit phases froides importantes (séparées par des phases chaudes très marquées), longues parfois de plusieurs siècles, dont la plus connue est le Petit âge glaciaire (environ 1300-1850 apr. J.-C.) précédant la phase chaude actuelle. Il se divise en deux grandes périodes. La première commence par une phase froide, les oscillations de Palü (crue des glaciers vers 7500 av. J.-C.), suivies du premier optimum postglaciaire (7000-3500 av. J.-C.). Des oscillations plus faibles sont toutefois documentées durant celui-ci: celles du Schams (6700-5700 av. J.-C.) et du Mesocco (5500-4000 av. J.-C.). Dans la seconde période (3500 av. J.C. à nos jours), les variations se suivent à un rythme irrégulier et assez rapide: phases froides de Piora I et II (3200-2500 av. J.-C.) et de Löbben (1500-1100 av. J.-C.), séparées par le deuxième optimum postglaciaire (env. 2900-2250 av. J.C.) et suivies de l'optimum de l'âge du Bronze (env. 1500/1400-1200 av. J.C.), long de deux à trois siècles; on observe ensuite des crues des glaciers dans la phase de Göschenen I (env. 1200-600/500 av. J.C., avant l'optimum de l'époque romaine) et au moins trois crues (100-300, 400-600 et probablement 750-850 apr. J.-C.) dans celle de Göschenen II (commencée entre 50 et 100 apr. J.-C.), une petite crue vers 1100 s'intercalant dans l'optimum médiéval qui dura de la fin du IXe s. jusqu'au début du petit âge glaciaire.

Apparition de l'homme aux époques glaciaires et postglaciaires

Une présence humaine est probable sur le Plateau, dans le Jura et les Préalpes lors des interglaciaires, par exemple dans les régions de Zurich et de Bâle lors de l'interglaciaire Riss-Würm, mais on n'en a aucune preuve. Pendant les époques glaciaires, l'homme a dû périodiquement coloniser et abandonner des territoires en fonction des variations climatiques, de l'avance et du recul des glaciers. Les premières traces d'activité humaine remontent à 400 000 ans (Paléolithique inférieur). Des sites du Paléolithique moyen (vers 130 000-35 000) sont attestés dans le Jura, sur le Plateau et le long du Rhin entre Schaffhouse et Bâle. De petits groupes de chasseurs nomades vivaient au bord des lacs, des rivières, dans des grottes et des abris sous roche.

Le territoire suisse fut habité lors des interstades chauds du Würm (déjà au Würm ancien et moyen), où le climat favorisait la reforestation. Une colonisation plus dense, même dans les Alpes, est attestée vers 50 000-40 000: établissements en plein air, sous grotte et sous abri (Paléolithique) de chasseurs-cueilleurs tirant parti de la faune (mammifères tels que rennes, mammouths, rhinocéros laineux), ainsi que des fruits et baies des bois. Dans les moments les plus froids du Würm, l'homme dut éviter les zones stériles proches des glaciers, mais il put les reconquérir au Würm récent, à mesure que les glaces se retiraient (surtout entre 12 000 et 10 000).

Au début du Postglaciaire, l'activité humaine se concentra sur les rives des plans d'eau, lacs ou étangs qui parsemaient le Plateau (Mésolithique). Les habitats du Néolithique, qui vit s'imposer l'économie agricole (céréaliculture, élevage, pâturage en forêt), se trouvent surtout sur les rives des lacs et rivières du Plateau et du Jura, ainsi que dans le bas et le centre du Valais. D'après les connaissances actuelles, les phases de refroidissement du Postglaciaire n'ont pas interrompu le peuplement des Alpes. On trouve pour la première fois à l'âge du Bronze des villages qui peuvent avoir 1-2 ha de superficie.

Le climat sur le Plateau du Moyen Age à nos jours

Jusque vers 1300, le Moyen Age connut des périodes (par exemple les XIe et XIIIe s.) où les températures estivales étaient un peu plus élevées qu'au XXe s. Les hivers rigoureux furent plus rares au XIIIe s. qu'entre 1300 et 1900. Le figuier prospérait jusqu'à la latitude de Cologne. Les glaciers alpins n'étaient pas plus grands qu'aujourd'hui. Vers 1300, la température hivernale moyenne baissa de 1°C; ainsi commença le petit âge glaciaire, aux hivers souvent rigoureux. Une série d'étés humides et frais, voire froids (1342-1347), provoqua une première crue des glaciers (sommet vers 1380, puis décrue jusque vers 1420 grâce à des étés de 0,5°C plus chauds qu'entre 1901 et 1960, période de référence). D'autres crues auront lieu entre 1600 et 1670 et entre 1820 et 1860.

Le lac de Zurich gelé en janvier 1571. Dessin de la chronique du chanoine Johann Jakob Wick (Zentralbibliothek Zürich, Handschriftenabteilung, Wickiana, Ms. F 19, fol. 191).
Le lac de Zurich gelé en janvier 1571. Dessin de la chronique du chanoine Johann Jakob Wick (Zentralbibliothek Zürich, Handschriftenabteilung, Wickiana, Ms. F 19, fol. 191). […]

Les hivers et les printemps

Jusqu'à la fin du XIXe s., les hivers furent, sauf exception, plus froids et nettement plus secs qu'aujourd'hui, en raison, notamment à la fin des XVIe, XVIIe et XIXe s., d'une tendance à la bise due à un anticyclone stationnant sur la mer du Nord ou la Scandinavie et envoyant de l'air continental froid et sec vers l'Europe centrale. La plupart des lacs du Plateau gelèrent durant les hivers 1572-1573 et 1694-1695. On pouvait même traverser le lac de Thoune en traîneau, dans sa longueur. Le lac de Constance resta pris soixante jours en février-mars 1573. Au XVIIIe s., des lacs plus petits comme celui de Bienne gelaient tous les deux ou trois ans. De temps à autre (notamment en 1529-1530), un hiver doux égalait les plus chauds du XXe s. et les cerisiers fleurissaient à la mi-mars. Après 1895, les périodes de bise devinrent brusquement plus rares. Comme celui du Moyen Age, ce réchauffement est d'origine naturelle; il n'empêcha pas le retour passager d'un climat plus rigoureux, par exemple en 1962-1963, dernier hiver où piétons et véhicules purent s'aventurer sur les lacs gelés de Constance et de Zurich. Au début des années 1970 commença une longue période d'hivers chauds et très chauds; la durée de l'enneigement sur le Plateau passa de 60 jours en moyenne durant le petit âge glaciaire (jusque vers 1895) à 46 jours de 1895 à 1987 et à 27 jours de 1988 à 1997; dans cette dernière décennie, on n'atteignit pas une seule fois la valeur moyenne de la période précédente. Depuis 1901, les précipitations sont plus abondantes sur le Plateau, le Jura et dans une partie du Valais (jusqu'à +20%) et plus violentes (accélération du cycle de l'eau).

Les printemps étaient à peine plus frais qu'aujourd'hui entre 1530 et 1560, puis leurs températures moyennes s'abaissèrent rapidement de 1°C sous l'effet des courants de bise (jusqu'à 2°C de moins que la moyenne actuelle dans les années 1690 et de 1738 à 1747). Ils restèrent généralement froids et secs jusqu'en 1855 (sauf entre 1656 et 1685), mais on en connaît de froids et humides: en 1740, la neige tomba presque chaque jour de mai sur les zones élevées du Plateau et à 900 m elle ne commença à fondre qu'au début de juin. Les précipitations s'accrurent après 1840, les températures peu à peu dès 1855. Cependant, sauf dans les années 1940, les printemps chauds restent rares.

Les étés et les automnes

Les étés du premier tiers du XVIe s. furent frais et humides, ceux du deuxième tiers généralement chauds et secs, ceux du dernier tiers froids (baisse de 1,5°C de la température moyenne de 1555 à 1595) et très humides (hausse de 25% des précipitations, sous forme de neige en montagne), en raison de fréquentes dépressions. Le glacier inférieur de Grindelwald, comme d'autres qui s'étendent jusqu'à relativement basse altitude, s'allongea de plus d'un kilomètre en quelques décennies, ensevelissant fenils et chalets. Les étés de 1600 à 1680 furent un peu plus humides et aussi chauds que ceux de 1901 à 1960 (sauf une période fraîche dans les années 1620), ceux de 1685 à 1705 en général frais et humides. En 1706, l'anticyclone des Açores parvint enfin à étendre de nouveau son influence jusqu'en Europe centrale pour plusieurs semaines. Les étés du XVIIIe s. furent jusqu'en 1780 en majorité plus chauds que ceux du XXe s. et parfois très secs (1718, 1719, 1724). De grandes éruptions volcaniques, surtout celle du Tambora (Indonésie) en 1815, entraînèrent six étés froids de 1812 à 1817, 1816 étant "l'année sans été". Ils furent la cause de la dernière grande famine en Europe et d'une crue des glaciers alpins. Le temps resta froid et plutôt sec jusqu'en 1835, puis tantôt frais et humide (1835-1855, 1876-1895), tantôt chaud et sec (1856-1875). Les caractéristiques de ces phases d'environ vingt ans se reflètent dans l'évolution des glaciers et le rendement des vignes. Les étés chauds se multiplièrent au XXe s.; parfois très secs (surtout de 1943 à 1952, Sécheresse), ils n'ont plus jamais connu depuis 1956 le climat froid et pluvieux fréquent dans les quatre siècles précédents.

Pour les automnes, le XVIe s. se divise en trois comme pour les étés. Mais le maximum chaud se situe déjà au début des années 1530 et le refroidissement après 1570 (lié à davantage de pluie) est moins net. Les automnes de 1600 à 1750 furent aussi chauds et moins humides que ceux de 1901 à 1960. Vers 1750, les températures moyennes se mirent à baisser et les précipitations augmentèrent de plus de 25%, donnant des automnes très humides jusqu'en 1895 (sauf de 1815 à 1825). Le climat redevint plus chaud de 1°C et plus sec, sauf exception, dès 1920.

Anomalies des températures depuis 1500

Anomalies climatiques 1500-2000 (par décennie)
Anomalies climatiques 1500-2000 (par décennie) […]

Si l'on relève mois par mois, au cours des cinq derniers siècles, les écarts significatifs par rapport à la température moyenne en les mettant en relation avec la pluviométrie, on constate ceci: il existe des périodes "calmes" (milieu des XVIe et XVIIe s.), où les anomalies sont très rares, ce qui indique une prédominance des flux atmosphériques allant d'ouest en est, et des périodes turbulentes (1676-1685 par exemple) où les écarts positifs et négatifs s'accumulent, effet d'une prépondérance des courants nord-sud. On remarque aussi qu'un temps anormalement froid et sec au semestre d'hiver, dû à une bise persistante, est surtout fréquent entre 1560 et 1900. De brusques changements climatiques interviennent vers 1560 (refroidissement) et vers 1986 (réchauffement); depuis cette date persiste une tendance aux chauds extrêmes dépassant tout ce que l'on avait connu depuis un demi-millénaire.

Le climat au sud et au centre des Alpes

Pour le versant sud des Alpes, nous ne disposons de relevés que depuis 1753. Les hivers y étaient alors généralement plus froids et plus secs que de 1901 à 1960. Comme sur le versant nord, la phase la plus froide se situe au début des années 1890. On observe une hausse marquée des températures vers 1970. Quant aux printemps, jusqu'au réchauffement intervenu vers 1835, ils étaient secs et plus froids que sur le versant nord (où les températures restèrent basses plus longtemps, jusque vers 1860). Par rapport aux années 1901 à 1960, les étés étaient nettement plus froids (déficit de 1-2°C) entre 1760 et 1835, puis presque aussi chauds; ils furent souvent frais et secs entre 1960 et 1990. Les automnes connurent une brusque augmentation des précipitations, cause de graves inondations, de 1835 à 1880; les températures montèrent de 0,5°C vers 1940, plus tard que sur le versant nord.

Devant la fréquence croissante des inondations sur les versants méridionaux et dans les grandes vallées internes des Alpes, on s'est demandé à la fin du XXe s. si elles provenaient de causes naturelles ou humaines. Pour répondre à cette question, il faut disposer de longues séries d'observations. On s'aperçoit que ces catastrophes naturelles se produisent régulièrement entre le 20 août et le 10 novembre; elles sont en relation avec la dépression du golfe de Gênes qui pousse, toujours vers les mêmes régions des Alpes, de l'air méditerranéen encore chaud et humide. Il peut en résulter des inondations; elles furent rares de 1641 à 1706 et de 1876 à 1975, courantes de 1550 à 1580 et de 1827 à 1875; celles de la fin du XXe s. s'inscrivent encore dans une variabilité climatique naturelle.

Effets des changements climatiques sur les sociétés agraires

Les connaissances actuelles permettent d'étudier les effets des variations climatiques sur les sociétés agraires (jusque vers 1860), lesquelles dépendaient du bon déroulement du cycle des saisons pour la production de la biomasse (aliments, fourrages, bois) qui assurait presque tous leurs besoins en nourriture et en chaleur. Les instabilités saisonnières provoquaient de fortes variations du prix des grains, élément déterminant de la conjoncture économique. Pour diminuer les risques de famine liés à de mauvaises récoltes, les sociétés agraires avaient développé diverses stratégies (produits de remplacement, mélanges de céréales, diversification horizontale et verticale, réserves). Pour définir des critères de classement, il faut partir des années où toutes les branches de l'agriculture (production de grains, de vin, de fruits, de viande et de lait) ont obtenu de bons ou de mauvais rendements.

Un printemps chaud, ensoleillé et suffisamment humide profitait généralement à toutes les cultures et à l'élevage, qui souffraient au contraire du froid et d'une humidité excessive. Un gros déficit de chaleur en mars et avril, de fortes pluies en juillet annonçaient une hausse des prix, surtout si ces phénomènes se combinaient ou se reproduisaient plusieurs années de suite. Le froid, l'enneigement persistant et l'excès d'humidité printaniers retardaient la croissance de l'herbe et le début du pacage, étouffaient les semences, empêchaient la floraison des arbres fruitiers. Si le mois de juillet était trop arrosé et sans soleil, les blés germaient sur pied, les moisissures et les insectes attaquaient les céréales engrangées encore humides; le fourrage manquait d'éléments nutritifs, ce qui diminuait le rendement laitier de l'hiver suivant; la vigne souffrait de coulure, le raisin mûrissait mal, la vendange était peu abondante et le moût acide.

Ces facteurs accumulés expliquent la plupart des chertés et famines des derniers siècles, notamment celles de 1529-1530, 1570-1571, 1586-1587, 1627-1628, 1688-1689, 1692-1693, 1770-1771, 1816-1817, 1851-1852. Les catastrophes de ce genre résultaient d'une longue série d'intempéries frappant une grande partie de l'Europe centrale. On trouve plusieurs périodes marquées par une fréquence particulière de bonnes (1531-1565, 1818-1844) ou de mauvaises années (1566-1600, 1679-1720). Le climat peut ainsi contribuer à apaiser ou à envenimer les conflits sociaux, agir sur l'esprit d'une époque et influencer jusqu'à la culture et la politique.

Le climat de l'avenir

Le climat est un système complexe dont les scientifiques sont encore loin de comprendre tous les aspects. Il est difficile de dire si les activités humaines peuvent l'influencer au point de lui faire outrepasser les limites de sa variabilité naturelle, tant celle-ci est grande. Les climatologues se contentent donc de projections fondées sur des modèles d'évolution possible, sans jamais les présenter comme des prévisions assurées.

Le débat sur les changements climatiques inclut aussi la question de savoir si les événements extrêmes vont se multiplier. Dans les Alpes, on pense d'abord aux précipitations surabondantes qui, sous forme de pluie, de neige ou de grêle, causent régulièrement de graves dommages. On ne dispose actuellement de projections en la matière que pour l'automne, l'hiver et le printemps. Elles montrent qu'un réchauffement de 2°C au semestre d'hiver peut entraîner une nette augmentation (20 à 30%) des cas de fortes précipitations (30 mm par jour), les précipitations de faible intensité restant inchangées. Cette évolution toucherait particulièrement le versant sud des Alpes.

Si l'Atlantique nord se réchauffait davantage que l'Atlantique tropical, l'Europe devrait s'attendre à un affaiblissement des vents d'ouest, donc à un ralentissement du mouvement des dépressions et anticyclones, chacun exerçant de ce fait une influence plus durable. Cela rend plus vraisemblables des précipitations aux conséquences catastrophiques comme à Gondo en 2000. En outre, le réchauffement se traduisant par moins de neige et plus de pluie, les risques d'inondations augmentent.

Pour les orages de grêle, les idées sont moins précises, car on ne peut établir de corrélation ni avec la température estivale moyenne ni avec la pluviométrie moyenne. Si le type de situation météorologique qui est à l'origine de la plupart des grosses chutes de grêle est devenu plus fréquent dans un passé récent, il est cependant impossible d'affirmer qu'il existe une tendance à la multiplication de telles chutes. Dans l'état actuel des connaissances, on peut seulement dire que la hausse des températures estivales implique un risque accru.

Les tempêtes hivernales, comme les fortes précipitations, vont dépendre de ce qui se passera sur l'Atlantique nord. Depuis un siècle, ces tempêtes ont diminué en Suisse. Non pas qu'une hausse des températures ait diminué l'agitation atmosphérique, mais parce que les dépressions ont modifié leur itinéraire et frappent plutôt au nord de l'Europe. En cas de fort réchauffement des latitudes nord, les conséquences seront les mêmes que dans le cas des précipitations surabondantes. La Suisse se retrouvera davantage sous l'influence de systèmes actifs, puisque des dépressions se formeront plus fréquemment sur l'Europe. On en déduit un accroissement des tempêtes en Suisse. Mais pour que se produisent des catastrophes comme les ouragans Vivian (1990) et Lothar (1999), ou comme les gros orages de grêle, il faut la réunion de plusieurs facteurs. Dans l'état actuel de nos connaissances, la combinaison nécessaire semble due au hasard, on ne peut donc en prévoir la fréquence. Tout compte fait, il est réaliste de supposer qu'un réchauffement global entraîne un temps plus instable ou plus contrasté dans les régions alpines. Mais il reste quasi impossible de prédire la fréquence future des manifestations climatiques extrêmes.

Le climat est devenu un thème politique du fait que l'influence des activités humaines sur son évolution est de plus en plus certaine. Depuis la fin des années 1980, le problème du réchauffement de la planète a fait du climat un objet évoqué lors de réunions internationales, comme la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement à Rio de Janeiro en 1992, où a été signée la convention sur le changement climatique. La Suisse participe aux sommets sur le climat qui ont lieu chaque année depuis 1995; elle s'est déclarée prête à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (Environnement).

Sources et bibliographie

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  • M. Welten, Pollenanalytische Untersuchungen im Jüngeren Quartär des nördlichen Alpenvorlandes der Schweiz, 1982
  • H. Holzhauser, Zur Geschichte der Aletschgletscher und des Fieschergletschers, 1984
  • Ch. Pfister, Das Klima der Schweiz von 1525-1860, 2 vol., 1984 (31988)
  • M. Welten, Neue pollenanalytische Ergebnisse über das Jüngere Quartär des nördlichen Alpenvorlandes der Schweiz (Mittel- und Jungpleistozän), 1988
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  • S. Wegmüller, Vegetationsgeschichtliche und stratigraphische Untersuchungen an Schieferkohlen des nördlichen Alpenvorlandes, 1992
  • G. Lang, Quartäre Vegetationsgeschichte Europas, 1994
  • H. Holzhauser, «Gletscherschwankungen innerhalb der letzten 3200 Jahre am Beispiel des Grossen Aletsch- und des Gornergletschers», in Gletscher im ständigen Wandel, 1995, 101-122
  • S. Bader, P. Kunz, Klimarisiken - Herausforderung für die Schweiz, 1998
  • C.A. Burga, Vegetation und Klima der Schweiz seit dem jüngeren Eiszeitalter, 1998
  • Ch. Pfister, Wetternachhersage, 1999
  • F.D. Meyer, Rekonstruktion der Klima-Wachstumsbeziehungen und der Waldentwicklung im subalpinen Waldgrenzökoton bei Grindelwald, 2000
  • H. Wanner et al., Klimawandel im Alpenraum, 2000
Liens

Suggestion de citation

Christian Pfister; Conradin A. Burga; Hanspeter Holzhauser; Stephan Bader: "Climat", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 21.10.2008, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007770/2008-10-21/, consulté le 28.03.2024.