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Tunnels

L'histoire des ouvrages souterrains se lit comme celle d'une confrontation permanente, qui se dispute sur le terrain de la technique, entre la capacité d'innovation humaine et la nature. A ses débuts surtout, la construction des tunnels fit de nombreuses victimes parmi les ouvriers.

Le premier tunnel de Suisse destiné aux transports, mis à part celui de Pierre-Pertuis (5 m de long, d'époque romaine), est celui du Trou d'Uri (1707-1708), galerie de 64 m de long, 2 de large et 2,5 de haut percée par les gens de l'Urseren; Pietro Morettini, de Cerentino, fit sauter le granit à l'aide de poudre noire. Deux hommes moururent pendant les travaux. Le premier tunnel ferroviaire (Chemins de fer) est celui du Schlossberg, près de Baden (90 m), percé en 1846-1847 selon la même méthode que le Trou d'Uri, pour la ligne reliant Zurich et Baden (Spanischbrötli-Bahn).

La première phase de construction, que l'on situe entre 1850 et 1920, est liée à l'extension du réseau ferroviaire, qui nécessita le percement d'un grand nombre de tunnels. Les travaux, qui se faisaient à la main, provoquaient souvent des accidents. Soixante-quatre personnes perdirent ainsi la vie en 1857 au tunnel du Hauenstein (2,5 km), à la suite d'un incendie dans un puits latéral boisé. Dès la seconde moitié du XIXe s., le travail fut facilité et accéléré grâce à des machines. Jean-Daniel Colladon développa en 1857 une foreuse à air comprimé utilisée par Germain Sommeiller lors de la construction du tunnel du Mont-Cenis (12 km, 1857-1871). Il fournit aussi les foreuses et les compresseurs employés au Gothard (15 km, 1872-1882), chantier où l'on utilisa pour la première fois de la dynamite (provenant de la fabrique d'explosifs uranaise d'Isleten). La dynamite demandait moins de forages préparatoires que la poudre noire, ce qui accéléra les travaux; mais ce procédé multiplia l'apparition de maladies chez les mineurs, comme la chlorose et la silicose.

Lors du percement du Simplon (19,8 km, 1898-1905), suivi avec enthousiasme par la presse suisse, la présence de roches friables et d'eaux souterraines compliquèrent les travaux (Géologie). La température du rocher et de l'eau atteignait plus de 50°C. Pour refroidir la galerie, on construisit deux tunnels à une voie reliés entre eux à intervalles réguliers, ce qui permettait de les ventiler, et l'on posa des conduites isolées pour amener de l'eau et en asperger la roche. Lors de la construction du tunnel du Lötschberg (14,5 km, 1906-1913), 25 hommes et deux chevaux furent engloutis sous une masse de cailloux parce que les études géologiques avaient été insuffisantes. Après la Première Guerre mondiale, ce sont les installations hydroélectriques, notamment les barrages dans les Alpes, qui nécessitèrent le percement de centaines de kilomètres de galeries pour les amenées d'eau et les puits sous pression. Ces ouvrages présentaient le plus souvent un profil circulaire et des coudes plus serrés que les tunnels voués aux transports.

Le 5 avril 1962, les équipes suisse et italienne engagées dans le percement du tunnel routier du Grand-Saint-Bernard fêtent la jonction des forages (Médiathèque Valais, Martigny; photographie Presse-Diffusion).
Le 5 avril 1962, les équipes suisse et italienne engagées dans le percement du tunnel routier du Grand-Saint-Bernard fêtent la jonction des forages (Médiathèque Valais, Martigny; photographie Presse-Diffusion).

Une seconde phase de construction débuta à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Principalement liée à l'aménagement des routes, elle apporta néanmoins au rail 70 km supplémentaires d'ouvrages souterrains, tels ceux des nouvelles transversales alpines (tunnels de base du Lötschberg et du Gothard) ou le tunnel du Käferberg. On adopta un gabarit important (de 80 à 125 m2) pour les longs tunnels routiers à deux voies, afin de faciliter l'aération. Au début, on continua de recourir à la dynamite, mais petit à petit, on se mit à creuser les masses de terre et de rocher à l'aide de tunneliers. Les premières fraises ne pouvaient casser que des roches tendres, mais les foreuses plus récentes (dès les années 1970), arrivent à broyer aussi du granit et sont donc mises en œuvre dans tout milieu dur. Ainsi, le tunnel routier du Gothard (16,3 km, 1963-1980) fut creusé à la dynamite, alors que celui du Seelisberg (9,3 km, 1971-1980) fut fraisé en partie et celui du Bözberg (3,7 km, 1990-1996) entièrement.

Si le terrain est friable et gorgé d'eau, on procède au début du XXIe s. par réfrigération. Les abords de la future galerie sont percés de trous que l'on remplit d'un liquide à très basse température, jusqu'à ce que le sol gèle. On y fraise alors le profil du tunnel, aussitôt garni d'un manteau de béton. Ce procédé a été utilisé par exemple dans le tronçon de moraine de 350 mètres qui se trouve à l'extrémité sud du tunnel du Milchbuck (1,8 km, 1975-1985) à Zurich. Vers 2000, plusieurs graves accidents survenus dans des tunnels routiers (Mont-Blanc, Gothard) ont suscité une controverse sur la sécurité dans ces ouvrages.

Sources et bibliographie

  • K. Kovári, R. Fechtig, Percements hist. de tunnels alpins en Suisse, 2000 (all. 1996)
  • A.H. Schneider, Sicherheit gegen Niederbruch im Untertagbau, 2000
  • Schweizer Bau-Journal, 2001 (no spécial Tunnelbau)
  • M. Schobinger, Gotthard: via subalpina, 2002
Liens

Suggestion de citation

Hans Grob: "Tunnels", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 07.01.2014, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007962/2014-01-07/, consulté le 19.03.2024.