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Natalité

Facteur démographique (Démographie), la natalité s'exprime statistiquement par son taux brut, soit le nombre de naissances vivantes pour 1000 habitants. Elle est étroitement liée au taux de fécondité. La différence entre les taux bruts de natalité et de mortalité donne celui d'excédent naturel d'une population.

Un taux en baisse

Mouvement naturel de la population 1861-2007
Mouvement naturel de la population 1861-2007 […]

Quoique la statistique annuelle du mouvement naturel de la population (enregistrement des naissances et des décès) débute en 1867 seulement, des estimations fondées sur des données partielles permettent de remonter au début du XIXe s. Pour les périodes préstatistiques, le taux de natalité est évalué à 35-40‰ au XVIIIe s.; il n'a vraisemblablement jamais atteint 50‰, niveau de quelques pays d'Afrique noire au début du XXIe s. De 1800 à 1860, il fluctue entre 36,9‰ (1809-1816) et 26,7‰ (1853-1855). De l'ordre de 30‰ dans les années 1860-1880, le taux brut de natalité amorce dès 1900 une forte baisse qui le porte à 15‰ en 1940; la Première Guerre mondiale et la grippe espagnole provoquent une chute des naissances (de 24 à 19‰). A l'inverse, la Deuxième Guerre mondiale (passage de 15 à 20‰), puis le "baby boom" de 1954-1964 (de 17 à 19,5‰) stimulent la natalité, puis la baisse reprend (9,8‰ en 2006). Quant à l'indicateur conjoncturel de fécondité, qui exprime le nombre moyen d'enfants mis au monde par une femme, il est passé de 2,4 en 1950 à 1,4 en 2006.

Le taux brut d'excédent naturel, qui se situait jusqu'en 1914 entre 7 et 10‰ est descendu à plusieurs reprises au-dessous de 5‰ dans les années 1930. Depuis 1967, la baisse a été rapide, la valeur du taux atteignant 1,7‰ en 2006.

En comparaison internationale, la Suisse se place vers 1875, après la France, la Grèce, l'Irlande et la Suède, au cinquième rang des pays européens présentant la plus faible natalité. Dans les années 1930, elle occupe avec un taux de 16‰ le sixième rang. Position qu'elle doit à la proportion élevée de femmes demeurées célibataires (20% dans les générations 1860-1869) et les âges élevés au mariage (26,4 ans) qui caractérisent les pays d'émigration (Nuptialité).

Disparités confessionnelles

Dans les années 1870, le taux de fécondité (nombre de naissances vivantes légitimes pour 1000 femmes mariées âgées de 15 à 49 ans) s'échelonne de 162‰ à Genève à 300‰ dans les cantons de Suisse centrale et à Fribourg. Un demi-siècle plus tard, en 1921-1925, ces disparités ont encore augmenté (de 68‰ à Genève à 250‰ à Fribourg et 240‰ en Suisse centrale). En 1981, l'indicateur conjoncturel de fécondité se situait à 1,1 enfant à Bâle-Ville et à 1,2 à Genève, mais dépassait la valeur du seuil de renouvellement de la population (2,1 enfants par femme) dans les cantons du centre de la Suisse (Obwald, 2,2; Appenzell Rhodes-Intérieures, 2,5). En 1996, les disparités subsistent quoique fortement diminuées, entre 1,3 au Tessin, valeur la plus basse, et moins de 2 enfants dans les Rhodes-Intérieures, valeur la plus élevée.

Le recul des naissances a été ralenti par la proportion croissante de la population catholique, de 40,6% en 1850 à 46,3% en 1990. Durant la même période, la proportion de protestants s'est réduite de 59,3% à 40,0%. Entre 1971 et 1996, l'excédent naturel a été négatif (-1,7 pour mille habitants) dans les cantons réformés et positif (4,1‰) dans les cantons catholiques, avec un solde migratoire respectif de 5,9 et 1,7‰. Il reflète les différences de comportement et de structure par âge de la population. La population catholique est en moyenne plus jeune et donne naissance à un nombre plus élevé d'enfants. La fécondité légitime dans les cantons à majorité catholique (plus de 85% de catholiques) a toujours été supérieure à celle des cantons à majorité protestante (plus de 68% de réformés), les cantons mixtes (Genève excepté) se situant entre les deux. Faible jusqu'en 1890, l'écart se creuse avec le déclin de la fécondité plus précoce dans les cantons protestants et culmine dans les années 1920 (223‰ chez les catholiques, 131‰ chez les protestants). Les comportements se sont uniformisés au cours des années 1980 et la fécondité des deux confessions est pratiquement identique depuis 1987.

Outre cette différence culturelle, il faut encore remarquer qu'en raison d'une structure de la population moins favorable (mariage plus tardif, taux de célibat féminin élevé), la natalité dans les villes a, sauf exceptions (villes industrielles en forte croissance), de tous temps été moindre que dans les régions rurales, ces facteurs pouvant se combiner.

La natalité dans la population étrangère

L'évolution de la natalité est marquée jusqu'en 1914 par une augmentation importante du nombre des enfants de parents étrangers: leur proportion passe de 8,5% en 1886 à 17,5% en 1913. La part des étrangers recule au cours des trente années suivantes, marquées par de profonds bouleversements politiques et économiques, pour n'augmenter à nouveau que durant la période de haute conjoncture qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Au début des années 1960, la proportion de naissances d'enfants étrangers a dépassé le niveau antérieur à 1914 pour atteindre 31,4% en 1974, avant de reculer à nouveau jusqu'en 1984 à 15,6%. Depuis, la progression est régulière; en 2000, 27,5% des enfants nés étaient issus de parents étrangers.

Le taux brut d'excédent naturel étranger, de l'ordre de 2‰ jusqu'en 1914, a été constamment négatif (plus de décès que de naissances) de 1935 à 1951. Il dépasse pour la première fois le taux naturel d'excédent suisse en 1968 et lui demeure depuis supérieur. Dans la population d'origine suisse par contre, les décès l'emportent sur les naissances depuis 1998.

Si le nombre des enfants de parents étrangers ne cesse de croître, c'est non seulement parce que la population étrangère progresse (20,3% en 2002), mais également en raison de la proportion importante des étrangères en âge de procréer (49% de celles-ci avaient entre 20 et 44 ans en 2002, contre 33% des Suissesses), de leur âge à la naissance des enfants (29 ans au premier accouchement contre 31 pour les Suissesses) et de leur fécondité plus élevée (1,9 enfant par femme étrangère pour 1,2 enfant par femme suisse).

Dans la période pendant laquelle l'excédent naturel de la population étrangère était nul sinon négatif, la fécondité (légitime) des femmes étrangères était très inférieure à celle des Suissesses (respectivement 91 et 161 enfants pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en 1920, 81 et 127 en 1930, 84 et 120 en 1950). Mais, en 1960, le rapport s'est inversé: 150 enfants pour les étrangères, 118 pour les Suissesses.

Depuis 1964, le recul de la fécondité affecte les deux groupes, mais davantage et plus durablement les femmes de nationalité étrangère (de 2,9 enfants en 1971 à 1,5 en 1985) que les Suissesses (de 1,8 à 1,4 en 1976). Dès 1990 cependant, la fécondité des femmes étrangères a progressé jusqu'à 2,1 enfants en 2000, ce qui est dû vraisemblablement à l'arrivée de nouveaux groupes d'immigrants, tandis que celle des femmes suisses poursuivait son recul pour se fixer à 1,2 enfant en 2001.

Le recul de la natalité après 1900 avait entraîné une politique nataliste (Politique démographique). Les taux bas actuels sont aussi l'objet de discussions et sont un argument en faveur d'une politique de la famille plus marquée, notamment une hausse des allocations familiales, une augmentation des crèches et garderies, une fiscalité plus favorable aux jeunes parents.

Sources et bibliographie

  • Stat. hist.
  • G. Calot et al., Deux siècles d'hist. démographique suisse, 1998
Liens

Suggestion de citation

Alfred Perrenoud: "Natalité", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 02.11.2010. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007973/2010-11-02/, consulté le 29.03.2024.