19.3.1928 à Sursee, 6.4.2021 à Tübingen, catholique, de Sursee. Théologien catholique de l'époque du concile Vatican II et de la période postconciliaire, défenseur de l'œcuménisme, réformateur et critique de l'Eglise catholique.

Hans Küng grandit dans une famille de commerçants traditionnellement catholiques. Aîné d'une fratrie de huit enfants, il eut deux frères qui décédèrent prématurément et cinq sœurs. Son père, Hans Küng, tenait un magasin de chaussures dans la ville de Sursee, à la troisième génération, avec son épouse Emma née Gut, fille d'agriculteur du village voisin de Kaltbach. Küng fréquenta l'école primaire à Sursee, puis l'école cantonale à Lucerne, où il obtint sa maturité. De 1948 à 1955, il étudia la philosophie (licence ès lettres en 1951) et la théologie (licence en 1955) à l'Université grégorienne à Rome (alumnus du Collegium Germanicum et Hungaricum), où il fut ordonné prêtre en 1954. De 1955 à 1957, il écrivit à l'Institut catholique de Paris une thèse consacrée à la doctrine de la justification de Karl Barth d'un point de vue catholique (catholicisme). Cet ouvrage, bien accueilli également sur le plan supraconfessionnel, fut à l'origine de l'engagement œcuménique qui marqua sa vie. D'octobre 1957 à mars 1959, il fut vicaire de l'église Saint-Léger (Hofkirche) à Lucerne.
En 1959, Hans Küng devint assistant à l'Université de Münster, où il débuta une thèse d'habilitation (inachevée) consacrée à la pensée théologique de Hegel. Agé de 32 ans seulement, il fut nommé en 1960 professeur de théologie fondamentale à la faculté de théologie catholique de l'Université de Tübingen. En 1963, il obtint la nouvelle chaire de dogmatique et de théologie œcuménique et fut nommé directeur de l'Institut de recherches œcuméniques nouvellement créé à Tübingen. Lors des travaux qui précédèrent Vatican II (conciles du Vatican), il résuma les attentes réformistes et œcuméniques dans son ouvrage Le Concile, épreuve de l'Eglise (français 1963, allemand 1960), préfacé par le cardinal Franz König. Cet ouvrage, traduit en plusieurs langues, fit de Küng un chercheur reconnu sur le plan international. Nommé consultant (peritus) par le pape Jean XXIII, il fut l'un des plus jeunes théologiens à participer de 1962 à 1965 au concile, notamment comme conseiller de Carl Joseph Leiprecht, évêque de Rottenburg.
Conformément à l'agenda du concile, Küng se consacra dans un premier temps aux questions liées à la réforme de l'Eglise catholique et à l'œcuménisme chrétien. Dans L'Eglise (français 1968, allemand 1967), il élabora une vision œcuménique du catholicisme, fondée sur la Bible, qui intégrait les résultats de la recherche historico-critique et examinait les traditions de l'Eglise. Remettant en question la hiérarchie catholique, le pouvoir des évêques et celui du Saint-Siège, il préconisa un renouvellement fondamental de l'ecclésiologie catholique comme condition préalable à une réunification des Eglises chrétiennes. Le théologien approfondit ses réflexions dans Infaillible? Une interpellation (français 1971, allemand 1970), consacré à l'histoire des dogmes. Partant de l'infaillibilité pontificale, promulguée en 1870, et se référant à l'encyclique Humanae vitae (1968) sur la question de la contraception, l'auteur critiqua le magistère de l'Eglise catholique pour son refus de la réforme initiée par Vatican II. Cette publication en particulier déclencha une controverse internationale. En raison de divergences sur l'interprétation des dogmes, il fut également critiqué par des théologiens du concile, dont Karl Rahner. Les deux ouvrages entraînèrent un long conflit avec le magistère, réglé en 1975 par un accord selon lequel le théologien ne s'exprimerait plus sur la question de l'infaillibilité pontificale et la Congrégation pour la doctrine de la foi renoncerait en échange à des sanctions. Entre 1974 et 1982, Küng rédigea une trilogie. Dans le premier tome, Etre chrétien (français 1978, allemand 1974), il présenta un projet convaincant de christianisme moderne et fixa comme objectif pastoral l'affermissement de la foi des personnes en marge de l'Eglise. Certaines déclarations christologiques lui valurent toutefois le reproche de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la doctrine catholique. Dans le deuxième tome, Dieu existe-t-il? (français 1981, allemand 1978), il plaida pour une foi reposant sur une critique contemporaine de la religion et dans le troisième, Vie éternelle? (français 1985, allemand 1982), il s'interrogea sur la mort.

Une nouvelle remise en question par Küng de l'infaillibilité pontificale dans la préface de la monographie Wie der Papst unfehlbar wurde (publiée en 1979 par August Bernhard Hasler) et un plaidoyer pour une papauté considérée comme un ministère dans L'Eglise assurée dans la vérité? (français 1980, allemand 1979), entraînèrent des mesures disciplinaires à son encontre. Le 18 décembre 1979, le pape Jean-Paul II lui retira, sans préavis et sans procédure formelle, l'autorisation d'enseigner dans l'Eglise, qui ne lui fut plus accordée par la suite malgré des manifestations de sympathie et de solidarité dans le monde entier. Küng resta toutefois prêtre. L'Université de Tübingen créa alors, pour lui et hors de la faculté de théologie, une chaire de théologie œcuménique à l'institut de recherche homonyme, qu'il occupa de 1980 à sa retraite en 1996.
Le retrait de l'autorisation d'enseigner marqua un tournant décisif dans la vie et la carrière de théologien de Küng. Dans une deuxième phase de travail, qui débuta en 1979, ce dernier continua certes d'encourager des réformes au sein de l'Eglise catholique, mais élargit son horizon théologique en intégrant de nouveaux sujets à ses recherches: les paradigmes de la modernité appliqués à la théologie et à l'Eglise; la femme et le christianisme; la théologie et la littérature; les liens de la croyance avec la musique et les sciences naturelles; les religions universelles et leur contribution à la paix dans le monde; la nécessité d'une éthique globale. Dans la foulée des idées de Vatican II, il élabora en 1984 une théologie du dialogue interreligieux et écrivit des ouvrages consacrés au judaïsme, au christianisme et à l'islam, ainsi qu'aux religions africaines et asiatiques. Convaincu que la paix universelle et la fraternité entre les nations ne pouvaient exister sans le dialogue et l'entente entre les religions, il publia en 1990 son Projet d'éthique planétaire (français 1991), qu'il présenta en 1993 au Parlement des religions du monde à Chicago et en 2001 à l'Assemblée générale des Nations unies. En 1995, le projet devint une fondation indépendante. Les mémoires de Küng, publiées en trois volumes entre 2002 et 2013 (version originale allemande), empreintes d'un certain égocentrisme, constituent une source importante pour l'histoire de l'Eglise et des idées.
Théologien et intellectuel mondialement connu, titulaire de nombreux doctorats honoris causa, Küng reçut plusieurs distinctions ecclésiastiques et civiles. Ses ouvrages atteignirent des tirages élevés et furent traduits en de nombreuses langues. Citoyen d'honneur de Sursee (1998) et de Tübingen (2002), sa ville natale inaugura une place portant son nom en 2021. Profondément marqué par Vatican II, le théologien lutta sa vie durant pour la diffusion des idées du concile et pour une réforme de l'Eglise catholique fidèle à la tradition des Evangiles. Intellectuel perspicace, il identifia les principaux problèmes théologiques de son temps, les traita de façon innovante et dans un langage concis, en anticipant souvent les débats ecclésiastiques, théologiques et œcuméniques. Malgré sa combativité et le retrait de son autorisation d'enseigner, Küng conserva une loyauté critique à l'égard de l'Eglise catholique, qui refusa toutefois de réhabiliter sa personne et son œuvre de son vivant.