La liberté d'établissement à l'intérieur d'un Etat est reconnue aujourd'hui comme un droit fondamental des citoyens (Droits de l'homme). L'article 24 de la Constitution fédérale de 1999 définit cette liberté comme le droit de tout citoyen suisse de s'établir dans un lieu quelconque du pays, de quitter la Suisse et d'y entrer. Par l'intermédiaire des bureaux de contrôle des habitants, les communes enregistrent les mouvements de la population (arrivées et départs).
Sous l'Ancien Régime le droit de choisir librement son domicile n'existait pas: l'établissement dans une communauté dépendait d'un permis accordé par les autorités (droit de Détraction). En général, le droit d'établissement et l'exercice des droits politiques étaient un privilège héréditaire réservé aux descendants des anciens habitants du lieu (Droit de cité). Le droit d'établissement pouvait aussi être acheté, mais au cours des XVIIe et XVIIIe s., les communautés rendirent les admissions plus difficiles, limitant ainsi leur nombre. C'est surtout dans les villes et dans les communautés d'une certaine importance que se formèrent ainsi différentes catégories parmi la population (Habitants).
Historiquement, l'exigence de la libre circulation des personnes est étroitement liée aux revendications pour la liberté du commerce et de l'industrie. La liberté d'établissement à l'intérieur du territoire national est une conquête de la Révolution française; en Suisse, elle fut introduite pour la première fois sous la République helvétique (1798-1803). La Constitution de 1798 abolit toute distinction due à la naissance (art. 8) et introduisit la notion de citoyenneté suisse (art. 19). La liberté d'établissement fut ainsi accordée à tous les citoyens suisses majeurs à l'exception des juifs. Avec l'acte de Médiation (1803) les conquêtes de 1798 furent en grande partie annulées: sur cette question il rendit la compétence aux cantons qui souvent rétablirent les anciennes restrictions et les distinctions entre bourgeois et habitants.
Après 1815, on restaura la plupart des ordonnances en vigueur sous l'Ancien Régime. En 1819, treize cantons seulement, qui avaient signé un concordat, reconnaissaient aux citoyens suisses la liberté d'établissement sur leur territoire à condition d'être à même de subvenir à leurs besoins de façon autonome. Les autres cantons ne signèrent pas ce concordat: ils craignaient surtout que leur unité confessionnelle (catholique) puisse être compromise ou qu'ils soient obligés d'assister les indigents. Cette attitude eut des conséquences économiques négatives pour ces cantons; ils introduisirent des restrictions plus ou moins importantes à cette liberté, si bien que beaucoup d'artisans et d'industriels, en majorité protestants, choisirent d'autres endroits pour exercer leur activité.

Lors de la création du nouvel Etat fédéral en 1848, la liberté d'établissement se trouva au centre des réformes législatives: malgré quelques oppositions ponctuelles, les chrétiens originaires d'autres cantons étaient mis pratiquement sur pied d'égalité avec les habitants résidant dans leur canton d'origine (art. 41 de la Constitution fédérale de 1848). Les restrictions concernant les juifs restèrent en vigueur jusqu'en 1866. Les cantons empêchèrent fréquemment l'application concrète de ce droit et les différends rendirent souvent nécessaire l'intervention du Tribunal fédéral. Avec la Constitution fédérale de 1874, puis la révision de 1891, cette liberté s'élargit; les citoyens suisses venant d'autres communes obtinrent les droits politiques au niveau communal. En 1975, les dernières limitations à la liberté d'établissement tombèrent.
Sous la République helvétique la liberté d'établissement pour les étrangers était liée à la présentation d'un acte d'origine et d'un certificat de bonnes mœurs. Après 1803, elle fut généralement réglée par des traités bilatéraux conclus avec les cantons. Le premier fut celui avec la France (1803), suivi d'autres (avec la Bavière en 1822); parfois les traités n'étaient signés que par une partie des cantons (avec la Sardaigne et la France en 1827). Après 1848, la Confédération conclut des traités avec de nombreux pays, en particulier avec les pays limitrophes: la France en 1864, l'Italie en 1868, l'Autriche en 1875 et l'Allemagne en 1876. On accordait sans trop de formalités la liberté d'établissement aux ressortissants de ces pays, à l'exception des Allemands à qui l'on demandait un certificat de bonnes mœurs. L'éclatement de la Première Guerre mondiale provoqua une limitation de la liberté de déplacement; dès 1914, l'immigration des étrangers fut réglée sur la base de critères économiques et politiques. A la suite du décret fédéral de 1925 qui donnait à la Confédération la compétence pour légiférer en la matière (art. 121 de la Constitution fédérale de 1999), la loi fédérale concernant le séjour et l'établissement des étrangers fut approuvée en 1931; elle se proposait d'adapter les flux migratoires aux besoins de l'économie. Les étrangers furent répartis en catégories bien distinctes: les frontaliers étaient domiciliés hors de la Suisse alors que les saisonniers (statut aboli dans le cadre des accords bilatéraux de 2000 avec l'Union européenne), les titulaires d'un permis de séjour (permis B) et d'une autorisation de courte durée (permis L) disposaient d'un permis de domicile qui ne les autorisait pas à changer de canton. Les étrangers domiciliés avaient en revanche le droit de changer de canton en cas d'accord avec le pays d'origine. Aujourd'hui, la discussion sur la liberté d'établissement a lieu plus au niveau international que national, après que l'Union européenne l'a en principe réalisée sur son territoire. Les droits d'établissement et de travail des citoyens de l'Union européenne en Suisse et vice-versa ont été renforcés dans le cadre des accords bilatéraux I, en vigueur depuis 2002, et étendus aux pays de l'Est en 2005; ils restent néanmoins un sujet politique controversé. En revanche, les demandeurs d'asile ne jouissent pas de la liberté d'établissement.