Une légende est, au sens premier, le récit de la vie et des miracles d'un saint ou l'histoire d'un lieu saint. Par extension, le terme s'applique à tout récit d'événements extraordinaires où interviennent des puissances surnaturelles, situé néanmoins dans le temps et dans l'espace et utilisant souvent divers procédés d'authentification (citation de témoins). Contrairement au français et à l'italien, l'allemand distingue entre Legende (à caractère sacré) et Sage (légende profane); la délimitation précise est toutefois objet de controverses. Dans la première, l'apparition du merveilleux est toujours provoquée par le Dieu des chrétiens ou l'un de ses représentants (ange, saint); dans la seconde, elle est imputée aux puissances les plus diverses (diable, démons, nains, sorcières, etc.). L'une remplit un rôle éducatif dans la tradition de l'Eglise (Piété populaire, culte des saints) alors que l'autre est souvent ravalée au rang des superstitions (mais susceptible d'être refaçonnée dans une perspective chrétienne). L'intervention du diable, des sorcières et des esprits de la nature, le retour des morts ou l'apparition de spectres sont des expressions de la croyance populaire. La légende profane explique l'origine de phénomènes géographiques (Blüemlisalp, Pilate) et de constructions étonnantes (ponts du diable) ou se constitue à partir d'événements ou de personnages historiques (Mythes fondateurs, Guillaume Tell, Arnold Winkelried).

On pense communément que les légendes sacrées ont une origine littéraire et que leur source remonte, pour la plupart d'entre elles, au recueil médiéval de la Légende dorée. Pour les légendes profanes, en revanche, on admet une origine orale bien qu'en réalité elle soit souvent aussi littéraire. En Suisse, des récits légendaires (des deux types) apparaissent d'abord sous la plume de chroniqueurs tels Johannes Stumpf, Renward Cysat, Christian Wurstisen, Aegidius Tschudi et Petermann Etterlin, de collectionneurs d'anecdotes comme Conrad Lycosthenes, Theodor Zwinger (1533-1588) ou Simon Goulart, puis d'écrivains voyageurs comme Philippe-Sirice Bridel, Johann Gottfried Ebel et Gottlieb Sigmund Gruner. Le romantisme allemand développa un grand intérêt pour les légendes. Il considérait les légendes profanes comme des manifestations de la poésie populaire, comme un élément de la tradition nationale révélant la vérité profonde de l'histoire, tandis que la légende sacrée faisait figure de croyance populaire naïve. En 1804, Gotthard Ludwig Kosegarten publia un recueil dont se servit Gottfried Keller comme source de ses Sieben Legenden (1872). En 1815, Johann Rudolf Wyss (1781-1830) fit paraître l'ouvrage Idyllen, Volkssagen, Legenden und Erzählungen aus der Schweiz. Les Deutsche Sagen (1816-1818) des frères Grimm ouvrirent de larges perspectives aux collections régionales que l'on entreprit à partir du XIXe s.: citons en Suisse Nina Camenisch et Caspar Decurtins pour les Grisons, Franz Kuenlin pour Fribourg, Alfred Cérésole pour Vaud, Alois Lütolf pour la Suisse centrale, Johann Jakob Reithart et Ernst Ludwig Rochholz pour l'Argovie, Auguste Quiquerez pour le Jura, Moritz Tscheinen et Peter Josef Ruppen pour le Valais et Walter Keller pour le Tessin. Avec l'émergence du folklore vers la fin du XIXe s. commença la recherche scientifique moderne dans le domaine des légendes.