11.10.1825 à Unterstrass (auj. comm. Zurich), 28.11.1898 à Kilchberg (ZH), prot., de Zurich. Fils de Ferdinand (->). 1875 Louise Ziegler, fille de Paul Karl Eduard Ziegler. M., qui demeura toujours au bord du lac de Zurich (à Kilchberg dès 1877), vécut une jeunesse solitaire et dépressive après le décès de son père. Sa mère, adepte du Réveil, condamnait ses dispositions artistiques. Grâce à l'entremise de Louis Vuillemin, un ami qui l'aimait comme un fils, M. commença sa carrière d'écrivain en tant que traducteur d'ouvrages d'historiens français. Après le suicide de sa mère (1856), qui eut un effet libérateur, M. décida de devenir écrivain en 1860. Un héritage l'ayant rendu indépendant, il entreprit des voyages d'études à Paris et Munich en 1857, à Rome, Florence, Turin avec sa sœur Betsy (->) en 1858 et en Italie septentrionale, essentiellement à Venise, en 1871-1872. Frère et sœur passèrent de longues périodes dans les montagnes de Suisse centrale - pratiquement chaque année depuis 1857 -, puis aux Grisons. Betsy fut la secrétaire de M. et, jusqu'en 1879 au moins, coauteur de certains de ses ouvrages.
Deux recueils de poèmes parurent en 1864 et 1869, mais le succès ne se dessina qu'à la publication de Huttens letzte Tage (1871), cycle consacré à Ulrich von Hutten, poète de la Renaissance, mais lié à l'actualité (fondation de l'empire bismarckien). Le recueil Gedichte, retravaillé au cours de cinq éditions (1882-1892), illustre le passage d'une poésie narrative (ballades) à une poésie d'un lyrisme intense. Les nouvelles de M. traitent de toutes les matières historiques. Leur forme narrative met en question le système de valeurs du réalisme et de ses fausses évidences, anticipant en cela les procédés du XXe s. Elle écarte l'analyse psychologique, renonce à évoquer les mobiles des personnages, laisse juger ces derniers à partir de points de vue opposés (Jurg Jenatsch, 1876, trad. franç. 1889, 1990) et utilise, sous la forme préférée de M., soit le récit-cadre, un narrateur partial (Les souffrances d'un enfant, 1883, trad. franç. 1997) et de plus incompétent (Le saint, 1879, trad. franç. 1929, 1984) ou s'abstenant de juger (Les noces du moine, 1884, trad. franç. 1898, 1989). M. écrivit encore d'autres ouvrages, dont L'amulette (1873, trad. franç. 1898, 1989), Le coup de feu en chaire (1877, trad. franç. 1933), La femme juge (1885, trad. franç. 1994), La tentation de Pescara (1887, trad. franç. 1994), Angela Borgia (1891), mais le début d'une maladie mentale paralysa son énergie créatrice. A l'instar de Jeremias Gotthelf et de Gottfried Keller, M. fut reconnu d'abord en Allemagne. Il fut mal compris aussi bien des protestants qui le prenaient pour un écrivain religieux, que des catholiques qui voyaient en lui un militant polémique du Kulturkampf. Doctorat honoris causa de l'université de Zurich (1880), ordre de Maximilien (1888).