Au Moyen Age et sous l'Ancien Régime, on appelait banalités des droits liés à l'exercice de la seigneurie, en particulier les monopoles économiques. Le mot allemand correspondant (Ehaft) désigne aussi les entreprises exerçant ces monopoles et les immeubles qu'elles occupent. A l'origine, les banalités s'étendaient en général aux communaux (biens communaux), aux chesaux (objets assortis d'un droit spécial et de servitudes). Dans la seigneurie médiévale (seigneurie foncière), il s'agissait surtout de moulins, auberges, forges, fours à pain et pressoirs; les localités moyennes et les villes ayant en outre des bains publics, des boulangeries, boucheries, tannerie et teintureries.
Le seigneur pouvait créer des banalités et obliger ses serfs à utiliser leurs services en interdisant toute concurrence (ban et juridiction). Il en confiait l'exploitation à des professionnels. Le Conseil de ville avait le même pouvoir sur le territoire municipal. Dès le XVIe s., le souverain (l'autorité cantonale) revendiqua pour lui seul le droit de créer et de supprimer des banalités sur son territoire, au mépris des droits des seigneurs fonciers, qui perdirent souvent les longs procès qu'ils engagèrent à ce sujet.
En général, les moulins hydrauliques à céréales, à papier, à poudre, ainsi que les exploitations ayant un droit de feu (fonderies, ferronneries, forges) étaient soumis à ban. Les installations annexes (moulins à broyer, à pilon, à huile, à épices), ainsi que les ateliers de rémouleurs, les scieries, ferblanteries, fouleries et clouteries nécessitaient une concession, qui les protégeait de la concurrence, mais sans en faire de vraies banalités.
La banalité était un droit réel, lié à un bâtiment; elle persistait même après la cessation de son exploitation. Si les tenanciers jouissaient d'un monopole et pouvaient disposer avant les autres des moyens de production (eau, charbon de bois, bois de construction) et des matières premières (céréales, animaux de boucherie, fer, colorants, etc.), ils avaient aussi des obligations: se tenir à la disposition de chacun, assurer une production suffisante, de bonne qualité, à prix fixes. Les auberges étaient tenues de loger les voyageurs, mais aussi de les surveiller. Les meuniers, les aubergistes et leur ménage devaient prêter serment. Les autorités pouvaient renvoyer ceux qui manquaient à leur devoir.
En cas de besoin avéré, de nouveaux services étaient créés; les tenanciers des banalités voisines avaient le droit de s'y opposer, ce qu'ils faisaient souvent sous l'Ancien Régime, par appât du gain. Il s'ensuivit l'ouverture d'exploitations clandestines (cabarets). De ce fait, les autorités préféraient délivrer une licence à vie à un exploitant, plutôt que de créer une banalité, donc un droit réel irrévocable. Le tenancier versait une taxe unique en entrant en fonction et un cens annuel. Toute modification (extension de l'entreprise, changement de lieu, etc.) nécessitait une autorisation.
Les services banaux garantissaient en général à leurs tenanciers des ressources régulières. Mais seuls étaient très lucratifs ceux qui, outre un monopole étendu (moulins à ban, auberges situées sur une route fréquentée, bains thermaux) se doublaient d'activités accessoires permettant d'améliorer les revenus tarifés (commerce de matières premières, auberges avec droit de vendre du pain ou de la viande, domaine agricole).
Après 1800, la situation se modifia: beaucoup d'exploitations à ban (forges fabriquant des outils, moulins à papier, etc.) disparurent, remplacées par des établissements industriels ou des entreprises libres (moulins). D'autres subsistèrent jusqu'en 1874, beaucoup de législations cantonales sur l'industrie et l'artisanat les admettant malgré leur statut contraire à la liberté d'entreprise, soit en vertu des droits acquis, soit dans l'intérêt de l'ordre public et de la moralité (auberges). Les banalités ne furent définitivement abolies qu'avec la généralisation de la liberté de commerce et d'industrie (Constitution fédérale de 1874). Cependant les autorisations et les patentes liées à certains établissements (cafés-restaurants) ou métiers (aubergistes, colporteurs) furent maintenues, mais comme droits personnels et non plus réels.