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Tressage de la paille

Paille tressée

A l'époque moderne, le tressage de la paille était pratiqué dans quelques régions rurales de Suisse, les Freie Ämter, la Singine, le val Onsernone, le Valais et l'Unterland zurichois (surtout dans le Rafzerfeld). Il revêtit une importance économique particulière dans les Freie Ämter, au sud-est de l'actuel canton d'Argovie. Il tire son origine de familles de journaliers (Tauner") qui fabriquaient des chapeaux de paille pour leur usage ou pour répondre à des demandes locales.

Dans le livre de cens du couvent féminin de Hermetschwil, on trouve, dès 1644, des indications selon lesquelles des Tauner payaient une partie de leur cens avec des Schinhüte. A l'origine, ces chapeaux de paille à petite calotte et larges bords étaient portés par les paysannes et les paysans pour les travaux des champs. Au XVIIIe s., ils s'ornèrent de rubans de coton et servirent de couvre-chef aux citadines.

Au XVIIIe s., quelques Tauner de Wohlen se muèrent en marchands et passèrent au Verlagssystem. Ils intensifièrent le commerce des chapeaux de paille et autres tressages et l'étendirent à l'Europe et, dès 1820, à d'autres continents. Dès 1800, les entreprises préconisèrent le partage du travail et élargirent l'aire de recrutement des ouvrières à domicile au-delà de la région de production habituelle (Freie Ämter, vallée de la Reuss et Seetal). Les travaux auxiliaires furent effectués notamment dans l'Entlebuch, dans la région de Lindenberg (Bavière) et dans la Forêt-Noire.

Une ouvrière prépare la garniture des chapeaux de paille dans une entreprise à Dottikon. Photographie d'Anton Krenn, 1927 (Fotostiftung Schweiz, Winterthour) © Fotostiftung Schweiz.
Une ouvrière prépare la garniture des chapeaux de paille dans une entreprise à Dottikon. Photographie d'Anton Krenn, 1927 (Fotostiftung Schweiz, Winterthour) © Fotostiftung Schweiz. […]

Au milieu du XIXe s., le tressage de la paille était florissant. En 1857, lorsque les fabriques commencèrent à s'implanter, on comptait, dans le canton d'Argovie, environ 24 000 ouvrières à domicile travaillant pour des exportateurs de Wohlen, et au moins autant dans d'autres cantons. Cette industrie employait en outre 4400 ouvriers et ouvrières. Des fabriques furent créées dans des villages proches de Wohlen, notamment à Dottikon, Fahrwangen et Meisterschwanden. En 1900, le canton d'Argovie comptait plus de 100 entreprises, dont trente et une avaient leur siège à Wohlen. Au XXe s., les exportations représentèrent jusqu'à 98% de la production. Les firmes de Wohlen avaient des filiales à Florence, Vienne, Paris, Londres et New York; elles étaient également représentées par des agents dans de nombreux pays.

Que ce soit à domicile ou en fabrique, le travail s'effectuait surtout en hiver de manière à ce que la production soit prête pour la saison d'été. Ces fluctuations saisonnières furent parfois accentuées par des circonstances conjoncturelles ou liées à la mode. Dans les fabriques, les femmes représentaient environ deux tiers de la main-d'œuvre et chacune d'elles surveillait jusqu'à cent machines. Le travail, à domicile ou en fabrique, était faiblement rémunéré, comparé aux salaires des ouvriers du textile. Ce n'est qu'en 1946 que les ouvriers obtinrent de haute lutte une convention collective avec les conditions en usage dans l'industrie textile.

Les matériaux utilisés, la manière de les travailler et les produits se modifièrent au cours du temps. Au début du XIXe s., la paille de froment, importée, remplaça le seigle indigène et de nouveaux matériaux vinrent s'ajouter, comme le raphia, le chanvre et le crin de cheval. Ce dernier permit d'utiliser pour la première fois des machines. Dès 1900, lorsque les matériaux semi-synthétiques ou synthétiques (Fibres artificielles) commencèrent à remplacer la paille, la Société des industriels argoviens de la paille (fondée en 1890) prit le nom d'Association des fabricants argoviens de chapeaux tressés (1916) et, en 1972, alors que la mode n'était plus aux chapeaux, celui d'Association des fabricants argoviens de tressage; elle fut dissoute en 1974.

Dans le monde de la mode, le succès de ces articles dépendit largement du développement de la blanchisserie et de la teinturerie. A l'origine, la paille était blanchie dans les prés, puis au moyen de soufre. Elle ne fut colorée que dès 1810, d'abord en noir uniquement, puis en couleurs dès 1828. Des teintureries liées aux entreprises ou indépendantes furent créées à Wohlen et dans les communes avoisinantes depuis 1850.

Dès le XVIIIe s., on se mit à fabriquer, outre les chapeaux, d'élégantes garnitures en paille tressée. Une chasuble faite au couvent de Hermetschwil en 1750 (auj. au Musée de la paille de Wohlen) en est un exemple. Au XIXe s., des garnitures de chapeau en forme de fleurs devinrent les principaux articles d'exportation. Dans les années 1850, les bordures fabriquées à l'aide de métiers à tisser manuels se développèrent, tout comme les dentelles au fuseau en crin, fabriquées dans les monts Métallifères et décorées de délicates garnitures de paille à Wohlen. Dès 1880, les chapeaux en paille tressée à l'aide de machines furent de plus en plus nombreux. Le succès enregistré après la Première Guerre mondiale (mode du canotier) s'estompa vers 1965. Des articles sont encore fabriqués dans une entreprise des Freie Ämter depuis 1991.

Sources et bibliographie

  • A.-M. Dubler, J.J. Siegrist, Wohlen, 1975, 523-590
  • D. Kuhn et al., Strohzeiten, 1991 (avec bibliogr.)
Liens

Suggestion de citation

Dieter Kuhn: "Tressage de la paille", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 02.07.2012, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013968/2012-07-02/, consulté le 16.10.2024.