1596 à Lohn (GR) ou en Haute-Engadine, 24/25.1.1639 à Coire, prot., puis cath. (1635), de Samedan. Fils d'Israel, pasteur et notaire, et d'Ursina Balsamin. 1) vers 1619 Katharina Buol, 2) 1627 Anna Buol. Jeunesse à Silvaplana, études de théologie à Zurich (1612-1616) et Bâle (1616-1617). Admis au synode des Grisons en 1617, pasteur de Scharans (1617-1618) et de Berbenno (Valteline, 1618-1620), à la frontière confessionnelle. En 1618, J. fut l'un des promoteurs du tribunal criminel de Thusis, qui rendit des sentences contre le parti espagnol. En 1620, il échappa de justesse, avec sa famille, au massacre des protestants grisons dans la Valteline (Sacro Macello). Il abandonna alors la Bible pour le glaive, s'affilia au parti vénitien des Salis et sur leur ordre participa aux campagnes meurtrières contre Pompée de Planta et d'autres partisans de l'Espagne. Capitaine en 1622 au service du comte Mansfeld en Allemagne, il devint colonel au service de Venise. Il prit part en 1624 et 1635 à la reconquête de la Valteline par les Français. Ceux-ci refusant de rendre aux Grisons les pays sujets et tardant en outre à payer les soldes dues, J. participa à des pourparlers secrets avec les Habsbourg, en dépit de son intimité avec le duc de Rohan. Il se convertit au catholicisme en 1635 (sa famille ne l'imita pas). Il prit la tête du soulèvement de 1637 qui déboucha sur l'expulsion des Français hors de la Valteline et des Grisons. Il fut assassiné en 1639 dans une auberge de Coire, durant une nuit de carnaval, dans des circonstances qui aujourd'hui encore ne sont pas totalement éclaircies, et enseveli le même jour dans la cathédrale. De puissants intérêts s'opposaient à l'identification des meurtriers et surtout des instigateurs du crime; de ce fait, l'enquête resta superficielle.
L'historiographie considéra longtemps J. d'un œil sévère, sans d'ailleurs le distinguer particulièrement des autres protagonistes de l'époque, jusqu'à ce que Conrad Ferdinand Meyer en fît un héros, symbole de la lutte des Grisons pour leur liberté et leur indépendance dans son roman Jürg Jenatsch (1876). La vénération se renforça dans la première moitié du XXe s. A partir des années 1960, les historiens furent à nouveau plus critiques, voyant en J. un personnage typique du baroque par sa pensée et ses actes, un arriviste, ambitieux et passionné, que rien n'intimidait et généralement prêt à saisir toute opportunité. Cette vision historique est illustrée par le film de Daniel Schmid Jenatsch (1987).