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SarasinBS

Famille bourgeoise de Bâle, active dès l’époque moderne dans le commerce (Europe et outre-mer) et la production décentralisée (Verlagssystem), qui se distingua dès le XIXe siècle dans la banque. D’origine lorraine et huguenote, elle est sans lien de parenté avec la famille homonyme bourgeoise de Genève.

Arbre généalogique armorié des Sarasin depuis Gédéon Sarasin, reçu bourgeois de Bâle en 1628, avec une vue de Bâle réalisée d’après une lithographie d’Albrecht Keller datée de 1858. Lithographie de Hans Lengweiler, 1944, env. 50 x 70 cm (Staatsarchiv Basel-Stadt, Stammbäume 213).
Arbre généalogique armorié des Sarasin depuis Gédéon Sarasin, reçu bourgeois de Bâle en 1628, avec une vue de Bâle réalisée d’après une lithographie d’Albrecht Keller datée de 1858. Lithographie de Hans Lengweiler, 1944, env. 50 x 70 cm (Staatsarchiv Basel-Stadt, Stammbäume 213).

Regnault Sarasin (1533-1575), drapier adepte du calvinisme, se réfugia à Metz. Après avoir séjourné à Sainte-Marie-aux-Mines et à Colmar, son fils Gédéon Sarasin rejoignit Bâle (réfugiés protestants), où il fut reçu bourgeois en 1628. La famille, piétiste, œuvra jusqu'au XXe siècle dans de nombreuses institutions religieuses régionales et internationales (piétisme, missions).

Le fils de Gédéon Sarasin, Peter Sarasin (1608-1662), épousa une Burckhardt et les alliances matrimoniales avec des familles bourgeoises de Bâle, telles que les Heusler, Werthemann, Stehlin, Vischer, Christ ou Hoffmann, se poursuivirent au cours des générations suivantes jusqu'au XXe siècle; l’image des femmes de la famille, transmise au travers d’oraisons funèbres, montre qu'elles étaient confinées à la sphère privée. Peter Sarasin (1640-1719), petit-fils de Gédéon, entra au Petit Conseil en 1687, marquant ainsi l'ascension des Sarasin parmi les familles de conseillers bâlois. Hans Bernhard Sarasin, petit-fils de Peter, fut le premier bourgmestre de la famille (1803-1812). Au niveau fédéral, ses membres se distinguèrent principalement comme délégués à la Diète, tels Hans Bernhard, déjà cité, ou Felix Sarasin l'Ancien et Felix Sarasin le Jeune.

Au XVIIIe siècle en particulier, outre le soutien à la musique, à la littérature et aux arts (mécénat), les Sarasin érigèrent des hôtels particuliers de style baroque, comme la Maison bleue et la Maison blanche, que les frères Lukas et Jakob Sarasin firent construire sur les plans de l'architecte Samuel Werenfels. Jakob Sarasin fréquenta des hommes de lettres du Sturm und Drang, tels Johann Kaspar Lavater, Jakob Michael Reinhold Lenz, Friedrich Maximilian Klinger ou Johann Heinrich Merck, ainsi que des personnalités comme Johann Heinrich Pestalozzi et Alexandre, comte de Cagliostro. L'empereur Joseph II fut également reçu à la Maison blanche.

La Maison blanche (ou Wendelstörferhof, A) et la Maison bleue (ou Reichensteinerhof, B) à Bâle. A gauche: eau-forte de Ludwig Hess, 1818, 9,8 x 13 cm (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Cabinet des estampes, GRAF-ANSI-BS-53); à droite: photographie d’Adam Várady, 1870 (Staatsarchiv Basel-Stadt, AL 45, 1-5).
La Maison blanche (ou Wendelstörferhof, A) et la Maison bleue (ou Reichensteinerhof, B) à Bâle. A gauche: eau-forte de Ludwig Hess, 1818, 9,8 x 13 cm (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Cabinet des estampes, GRAF-ANSI-BS-53); à droite: photographie d’Adam Várady, 1870 (Staatsarchiv Basel-Stadt, AL 45, 1-5). […]

En arrivant à Bâle, les Sarasin étaient déjà des marchands aisés. Ils y furent actifs dans le commerce de la toile, puis, dès le XVIIe siècle également dans la fabrication de rubans de soie (soierie, industrie textile); au plus tard à partir de 1680-1690, Hans Franz Sarasin (1649-1719) exploita une manufacture dans la ville (Verlagssystem). Felix Sarasin l'Ancien, déjà cité, entra dans l'entreprise Sarasin und Heusler (commerce de produits coloniaux, d'indigo et de coton) où il recentra aussi les activités sur la fabrication de rubans. A partir de 1823, Felix Sarasin le Jeune exploita des usines de filage de fils de coton (industrie cotonnière) à Neuewelt, au bord du canal de Sankt Alban-Teich (Bâle), et à Haagen, dans le Wiesental, grâce au savoir-faire technologique développé à Mulhouse, alors centre industriel dominant. Les frères Lukas et Jakob Sarasin reprirent la manufacture de leur grand-père Hans Franz Sarasin tout en développant leurs relations commerciales et d'affaires, qui s'étendaient au début du XIXe siècle jusqu'en Méditerranée, Mer Noire, Afrique du Nord, Proche-Orient, Inde et îles du sud-est asiatique (Indes orientales), Amérique du Sud, Caraïbes et aux Etats-Unis.

En 1837, Karl Sarasin fonda la fabrique de rubans de soie Sarasin & Cie qu’il dirigea à partir de 1855 avec son frère Rudolf Sarasin. Ils étendirent rapidement leurs relations commerciales aux ports français de l'Atlantique, mais aussi à Amsterdam, Riga, New York et Rio de Janeiro. D’autres manufactures furent créées à Bâle dans le quartier de Sankt Alban, à Lörrach en Bade (1861) et à Sissach. Président de la commission sur la situation des ouvrières et ouvriers en fabrique mandatée par la Société suisse d'utilité publique, Karl Sarasin s'engagea, dans une démarche empreinte de paternalisme, pour la construction de logements ouvriers et autres mesures de politique sociale d’entreprise. La ville de Bâle lui doit d’avoir modernisé ses infrastructures. En 1851, il représenta la Suisse à l'Exposition universelle de Londres. Sa petite-fille Gertrud Oeri-Sarasin (1891-1975) fut l'une des rares femmes de la famille à s'exprimer publiquement. Divorcée très tôt, elle se consacra d'abord à sa famille, puis s'investit à partir de 1941 dans le Centre de liaison des associations féminines de Bâle.

La banque Sarasin, l'un des établissements bancaires privés les plus renommés de Suisse, remonte à la société Riggenbach & Cie, dont Alfred Sarasin reprit la direction en 1893. L'entreprise s'appela A. Sarasin & Cie en 1900, puis Banque Sarasin & Cie en 1987. Jusqu'au début du XXIe siècle, des représentants de la famille faisaient encore partie de sa direction. Alfred E. Sarasin, associé et directeur, présida l'Association suisse des banquiers de 1965 à 1986. Transformée en société anonyme en 2002, la banque est depuis 2011 majoritairement détenue par le groupe brésilien Safra sous la raison sociale Banque J. Safra Sarasin.

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les petits-cousins Paul et Fritz Sarasin, tous deux zoologistes, se consacrèrent à l'histoire naturelle ainsi qu'à l'ethnologie et entreprirent des expéditions scientifiques communes dans les colonies britanniques et hollandaises de Ceylan et des Célèbes. De nombreux objets d’Asie du Sud-Est, issus de leurs recherches et de leur activité de collectionneurs, se trouvent à Bâle au Museum der Kulturen Basel. Ils ramenèrent en outre de leurs expéditions le premier éléphant destiné au zoo de Bâle. Cofondateur et premier président de la Commission suisse pour la protection de la nature, Paul Sarasin fut l'instigateur du Parc national, tandis que Fritz Sarasin fut président central de la Société helvétique des sciences naturelles. Les diverses branches de la famille résidaient presque toutes à Bâle, avant de se disperser au cours du XXsiècle.

La recherche (post)coloniale, dont l'intérêt va croissant, a mis en lumière, au-delà du rôle majeur des Sarasin dans l'histoire de Bâle, leurs relations commerciales internationales ainsi que les aspects culturels et scientifiques de leurs connexions globales. En particulier, les liens avec les colonies françaises d'Amérique, d'Inde et d'Afrique (Sénégal) ainsi que l'importation de café, sucre et cacao (chocolat) de Guadeloupe et de Martinique soulèvent la question d'une éventuelle participation de certains membres de la famille à la traite transatlantique (commerce maritime, colonialisme).

Sources et bibliographie

  • Koechlin, Carl: Rudolf Sarasin. 1831-1905, in: Basler Jahrbuch, 1907, pp. 1-34.
  • Almanach généalogique suisse, vol. 3, 1910, pp. 378-385.
  • Sarasin, Karl Friedrich: Geschichte der Familie Sarasin in Basel, 2 vol., 1914.
  • Joneli, Hans: Gedeon Sarasin und seine Nachkommen, 1928.
  • Sarasin-von Geymüller, Hans Franz: Neue Erkenntnisse zur Geschichte der Familie Sarasin, 1978.
  • Sarasin, Philipp: La ville des bourgeois. Elites et société urbaine à Bâle dans la deuxième moitié du XIXe siècle, 1998 (allemand 1990).
  • Röthlin, Niklaus: «Sarasin», in: Neue Deutsche Biographie, vol. 22, 2005, pp. 436-437.
  • Schär, Bernhard C.: Tropenliebe. Schweizer Naturforscher und niederländischer Imperialismus in Südostasien um 1900, 2015.
  • Simon, Christian: Reisen, Sammeln und Forschen. Die Basler Naturhistoriker Paul und Fritz Sarasin, 2015.
Liens
Notices d'autorité
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Suggestion de citation

Hermann Wichers: "Sarasin (BS)", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 22.07.2024, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/021021/2024-07-22/, consulté le 21.06.2025.