Etablissement pénitentiaire multifonctionnel situé dans les communes de Mont-Vully (Sugiez) et Morat (Galmiz), créé en 1898 par le canton de Fribourg sous le nom de Colonie agricole du Grand-Marais. Partie de l'Etablissement de détention fribourgeois (EDFR) depuis 2018, Bellechasse sert à l’exécution des peines et mesures. De 1920 à 1980, l’institution fut en outre destinée à l’internement administratif de centaines d’hommes et de femmes de différents cantons.
En 1898, les premiers détenus correctionnels travaillèrent à assainir le terrain et construire les infrastructures de la parcelle du Grand-Marais pour en faire une colonie agricole sur le modèle de Witzwil, dans le but de favoriser l’amendement des «vagabonds, paresseux, ivrognes et mendiants». L’effectif augmenta rapidement de 34 détenus en 1899 à 102 en 1900. Les conditions de vie y étaient très rudimentaires, dans des baraquements en bois sans chauffage ni électricité. Dès 1915, après l’adoption de la réforme pénitentiaire du conseiller d’État Emile Savoy, qui prévoyait la concentration des pénitenciers (prisons), Bellechasse connut une importante expansion avec la construction du Pavillon des femmes (1915, détenues et internées), du bâtiment central pour les condamnés pénaux (1918), de La Sapinière (1920), destinée à l’internement administratif selon la loi fribourgeoise de 1919 sur les auberges et conçue à l’origine pour 20 à 25 internés (110 en 1924). En 1927, une maison de travail forcé pour détenus libérés érigée aux Vernes servit surtout à l’internement des «alcooliques» (alcoolisme) et des «assistés» (loi fribourgeoise de 1928 sur l’assistance). Ces derniers furent aussi enfermés dans les vieux bâtiments en bois de la Colonie où ils cohabitèrent avec des détenus. Après l'effondrement d'une aile en 1937, une nouvelle colonie, dite Maison de travail, fut construite entre 1937 et 1940. Une église catholique et une chapelle protestante complétèrent l’ensemble en 1933. Entre 1940 et 1957, le bâtiment des Vernes fut affecté à l’internement administratif de 50 à 60 jeunes hommes considérés comme particulièrement difficiles. En 1940, lorsque s’acheva la période d’expansion, l’effectif s’élevait à 536 personnes internées et 96 condamnées sur la base de décisions qui émanaient de presque tous les cantons. Seuls le Pavillon des femmes et le bâtiment central disposaient de cellules, les autres abritaient des dortoirs. L’exploitation du domaine agricole, le deuxième plus important du pays après celui de Witzwil, occupait l’essentiel des hommes, alors que les femmes assumaient le travail domestique (cuisine, buanderie) pour l'ensemble du site (rôle des sexes).
L’entrée en vigueur du Code pénal fédéral (1942) imposa de nouvelles réformes et la séparation des personnes condamnées en différentes catégories. Cette décision ne fut toutefois pas appliquée par la direction de l'établissement selon les témoignages d'internées et internés. Bellechasse participa dès 1966 au Concordat latin d’exécution des peines et mesures, entérinant une collaboration déjà effective entre les cantons romands et le Tessin. D’importants travaux furent entrepris dans les années 1950 et 1960, qui améliorèrent les conditions d’hygiène (WC et lavabos dans les cellules), traduisant une nouvelle attention pour la sphère intime des personnes. L'incarcération des mineurs fut supprimée en 1955; la section des femmes ferma en 1971 avec la modernisation des services généraux. L’effectif chuta substantiellement pour arriver en 1975 à 119 condamnés, 35 internés administratifs et 19 «volontaires» (ayant sollicité leur enfermement ou sans autre perspective à l'issue de leur internement), inversant le rapport entre internés et condamnés.
Bellechasse fut dirigé successivement par Théodore Corboud (1898-1908), Léon Bongard (1908-1918), puis Camille Grêt (1918-1951), très investi dans la réforme pénitentiaire. Max Rentsch (1951-1981), ingénieur agronome diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et ancien adjoint à Witzwil, renvoya les internés qu’il considérait peu capables de travailler afin d’augmenter le rendement du domaine, qu’il modernisa (nouvelles techniques agricoles, travail artisanal et industriel en partenariat avec des firmes de la région). A l’origine, l'établissement devait être financièrement autonome, mais Bellechasse s’endetta pendant les années 1920 et 1930, alors que le directeur renonçait au financement du canton. Le Grand Conseil combla le déficit en 1933. Dans les années 1950, Rentsch parvint à augmenter le rendement de l'établissement et renonça à la subvention publique, mais dès 1970, le Conseil d’État compensa le déficit d’exploitation. En plus du produit du domaine et des autres activités, Bellechasse recevait des pensions pour les personnes détenues et internées des autorités cantonales ou communales.
Les gardiens, qui eurent accès au Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire dès 1978, devaient être suisses, âgés de 20 à 30 ans et avoir accompli le service militaire. Ils étaient logés sur le domaine (en dortoir pour les célibataires). Une mobilisation dans les années 1950 permit d’améliorer les conditions de travail des gardiens (horaire hebdomadaire réduit à 53 heures), dont la mission combinait désormais surveillance et rééducation. Des religieuses gardaient les femmes, remplacées en 1917 par des laïques, qui n’étaient pas autorisées à se marier. Jusqu’en 1981, deux médecins faisaient chacun une consultation hebdomadaire d’une demi-journée; en outre, un gardien était formé aux soins. Une commission administrative présidée par le conseiller d’État de tutelle était chargée de la surveillance (trois à cinq réunions par an). Pendant toute la période des années 1920 à 1980, des plaintes, majoritairement restées sans suite, furent formulées quant à la dureté du travail, aux conditions de vie (nourriture, hygiène), aux violences physiques et sexuelles, à la possibilité d’une véritable réhabilitation, au dysfonctionnement de l'institution et à l'arbitraire de la direction.
Dès les années 1970 arrivèrent de nouvelles catégories de détenus: objecteurs de conscience, toxicomanes et dealers (drogue). L’Annexe fut construite en 1987, La Sapinière réaménagée pour les toxicodépendants en 2000 et un nouveau bâtiment destiné à l’exécution anticipée des peines vit le jour en 2010. La concentration de l’EDFR sur le seul site de Bellechasse est prévue en 2026, après la fermeture de la Prison centrale de Fribourg.