La Suisse a souvent été décrite comme le "sanatorium idéal". Son air, ses montagnes, ses 610 sources thermales et minérales (estimation du Bureau fédéral de la statistique en 1870) attirèrent en grand nombre les malades de l'Europe entière à la fin du XIXe s. La plupart des sources furent utilisées tant en usage externe (Bains) qu'en usage interne. Le second est probablement aussi ancien que le premier. Attesté dès le XVIe s., il est sans doute antérieur vu le nombre de "bonnes fontaines" vénérées depuis l'époque celtique et christianisées au Moyen Age.
Même si certaines eaux (Pfäfers, Weissenburg, Gurnigel) étaient connues hors de leur lieu de jaillissement vers 1700 déjà, il fallut attendre la fin du XIXe s. pour que les eaux minérales soient mises en bouteille et exportées, c'est-à-dire proposées à la vente en dehors des stations thermales. L'habitude d'y introduire artificiellement du gaz carbonique fut d'ailleurs prise, vers la même époque semble-t-il; toutes les grandes marques actuelles offrent le choix entre plusieurs niveaux de teneur en gaz carbonique (de l'eau plate à l'eau gazeuse). Quelque dix sources exportaient leurs eaux en 1891, une trentaine en 1930. Certaines seront commercialisées jusqu'à aujourd'hui: celles de Passugg, redécouvertes en 1863, d'Henniez dès 1905, après bien des hésitations entre le bain et la boisson (rachetée par Nestlé en 2007), et de Vals (dès la fin 1960, achetée par Coca Cola en 2002). Celle d'Yverdon-les-Bains (source de la Prairie) a été vendue sous le nom d'Arkina après son achat en 1920 par l'Arménien Puzant Masraff; en 2008, Feldschlösschen (groupe Carlsberg), propriétaire d'Arkina, a délocalisé la marque sur son site de Rhäzuns où l'entreprise concentre désormais la production de ses eaux minérales. En revanche, l'eau de Saint-Moritz, de Val Sinestra, de Tarasp-Schuls, de Fideris, d'Eglisau, de Birmenstorf, de Mülligen, et bien d'autres eurent une vie à l'exportation beaucoup plus brève. Au début du XXIe s., la plupart des sources dépendaient de quatre grands groupes, Nestlé, Migros (Aproz), Coca-Cola et Carlsberg (Passugger, depuis 2005 source à nouveau en mains grisonnes dans Allegra Passugger Mineralquellen).
Un des traits de l'histoire des sources minérales réside dans la précarité de leur mise en valeur, précarité liée à des circonstances naturelles (disparitions, inondations), aux changements parfois fréquents de propriétaires ou locataires, à l'évolution des doctrines médicales et des modes. Les eaux sulfatées, calciques et terreuses furent par exemple très en vogue au milieu du XIXe s., parce que l'on pensait que l'eau calcaire était recommandée contre le rachitisme et la "faiblesse générale".
L'impact des modes sur la consommation est évident. De moins de 2 litres par habitant et par an au début du XXe s., celle-ci a fortement crû à partir de la fin du siècle, passant de 65,2 litres en 1989 à 120,3 litres en 2006, suivant une tendance générale en Occident. Ce phénomène s'inscrit d'une part dans une recherche du bien-être physique qui dépasse la notion traditionnelle d'eaux guérisseuses pour s'attacher à celle de vie saine, de goût, voire de bon goût (bars à eau). D'autre part, la conscience des risques de pollution pousse à s'assurer d'une qualité parfaite de l'eau de boisson. Cette recherche de la qualité commença en Suisse non seulement avec la pratique systématique des analyses d'eau (fin XIXe s.), mais également avec la montée en importance des réglementations et du contrôle des eaux. Les tendances actuelles du marché des eaux minérales, tout en montrant une forte augmentation de la consommation interne (912,9 millions de litres en 2006) indiquent une nette progression des importations de marques étrangères (par exemple Evian, Perrier, San Pellegrino, ces deux dernières appartenant à Nestlé) faisant passer de 1990 à 2006, la part de marché des marques suisses (représentant une vingtaine de sources) de 84% à 67%, alors que les exportations de ces mêmes sources diminuaient (de 3,2% de la production à 1%).