La notion de système de milice désigne un principe d'organisation couramment pratiqué dans la vie publique en Suisse; elle repose sur l'idée républicaine selon laquelle le citoyen qui en a les capacités doit assumer des charges et des tâches publiques à titre extraprofessionnel et bénévole. Cette expression propre à la Suisse est empruntée au vocabulaire militaire (lat. militia). Ses origines remontent toutefois à la démocratie athénienne et aux débuts de la République romaine; dans l'Antiquité déjà, la notion de milice comprenait l'exercice de charges civiles. Machiavel voyait dans l'ancienne Confédération la résurgence du principe romain de l'identité du citoyen et du soldat. Au XVIIIe s., le républicanisme mit en garde contre les dangers d'une armée de métier: Montesquieu, Rousseau, Hume, Kant et Jefferson furent tous favorables à l'armement du peuple (milice) et à l'interdiction des armées permanentes. L'armée de milice de la Suisse est née des mises sur pied des milices cantonales au bas Moyen Age. Le principe de l'armée de citoyens, inspiré des armées révolutionnaires française et américaine, fut inscrit en 1798 dans les articles 21, 25 et 92 de la Constitution de la République helvétique et dans les règlements militaires de 1804 et 1817. Il fut repris dans les constitutions cantonales après 1830, lors de la Régénération. Les Constitutions fédérales de 1848 et 1874 prescrivaient l'obligation générale de servir (Service militaire obligatoire) et interdisaient à la Confédération d'entretenir des troupes permanentes, mais c'est dans celle de 1999 seulement que le principe de milice appliqué à l'armée fut explicitement mentionné (art. 58). Expression symbolique de ce principe, le citoyen suisse astreint aux obligations militaires emporte à son domicile son équipement personnel et son arme, tradition remise en question depuis peu pour cette dernière.
Sous l'Ancien Régime déjà, le système de milice s'étendait au domaine politique. Dans la Constitution de la République helvétique, l'article 25 sur l'astreinte au service militaire était précédé d'un article obligeant le jeune citoyen à prêter serment de servir sa patrie. Après 1830, les constitutions des cantons régénérés appliquèrent le système de milice aux communes et à leur administration. Les citoyens devaient assumer dans toutes les affaires publiques leur part de responsabilité pour le bien commun. Ce principe servait de fondement à l'Etat républicain, qui y puisait en permanence sa vitalité. Il était donc courant de voir d'importantes fonctions publiques revêtues non par des magistrats ou des fonctionnaires engagés de manière fixe, mais par des citoyens appelés à ces charges pour une durée limitée. Le système était principalement appliqué au niveau communal (notamment pour les membres de l'exécutif et pour le bureau de vote). Au XIXe s., ce principe rejoignit les revendications du mouvement démocratique, qui démocratisa l'accès aux autorités cantonales.
Le système de milice s'établit également dans le domaine privé et dans la société civile, dès lors que les associations de personnes physiques, autorisées par la liberté d'association, comptaient sur le travail bénévole de leurs membres. De même que les charges publiques communales ou cantonales, les charges au sein des sociétés étaient assumées bénévolement et pour une période définie. Le terme est même utilisé dans l'économie à propos des fonctions exercées à titre extraprofessionnel dans les conseils d'administration et de fondation.
Sérieusement entamé au XXe s., ce système est en déclin. Même Armée XXI a allégé le principe en introduisant les statuts de militaires en service long et de militaires contractuels. L'accroissement des exigences a entraîné la professionnalisation de nombreuses charges publiques et la suppression par exemple des commissions de protection de la jeunesse ou de la commission fédérale de recours, remplacée en 2007 par le Tribunal administratif fédéral. Les associations souffrent elles aussi du manque de bénévoles. Dans de nombreux cantons, les membres du gouvernement et les juges des instances supérieures sont depuis longtemps des professionnels engagés à plein temps. Dès ses débuts, l'administration a été organisée pour des agents salariés et, au fur et à mesure de son extension, elle s'est substituée à plusieurs commissions de milice. En revanche, les élus des législatifs communaux et cantonaux exercent encore leur mandat à titre extraprofessionnel. Au niveau fédéral, les tentatives de professionnalisation des Chambres ont échoué jusqu'à présent; en 1992, les citoyens ont notamment refusé en votation populaire la loi sur les indemnités parlementaires et celle sur les coûts d'infrastructure. Il n'en demeure pas moins qu'au début du XXIe s., un mandat de conseiller national ou de conseiller aux Etats représente l'équivalent d'un travail à mi-temps.