Station littorale de l'âge du Bronze, commune de Chens-sur-Léman, département français de Haute-Savoie, sur la rive sud du Léman, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2011.
Le site de Tougues, au lieu-dit le Creux de Tougues, se trouve au centre d’une série d’autres établissements palafittiques situés sur la commune de Chens-sur-Léman. Le littoral de celle-ci, long de près de 5 km, comprend sept stations littorales, du sud-ouest au nord-est: Sous le Moulin (Bronze final), La Fabrique Nord (Bronze final), Tougues (Bronze final), Beauregard 1 (Néolithique final), Beauregard 2 (Bronze final), Beauregard 3 (Néolithique final) et La Vorge Ouest (Bronze final). Seule celle de Tougues a fait l’objet d’une étude extensive et d’un sondage archéologique de 15 m2.
La première mention de la station de Tougues apparait en 1860, sous la plume de Frédéric Troyon. Une description est publiée en 1875 par Louis Revon, dans le premier inventaire des trouvailles lacustres du département de Haute-Savoie, complétée par Ernest Chantre en 1876. François-Alphonse Forel intègre l’ensemble des stations littorales de la côte savoyarde dans sa carte des "stations lacustres" du Léman, dans le troisième tome de sa monographie consacrée au lac. Dès 1937-1938, les premières explorations effectuées avec l’appareil de plongée autonome inventé vers 1930 concernent la station de La Vorge. Mais c’est la menace de destruction partielle du site de Tougues par un port de plaisance, en 1987, qui va nécessiter une étude globale de ce village immergé, suivi par la prospection systématique des rives de la commune entre 1988 et 1996 (recherches du Centre national de la recherche archéologique subaquatique, sous la direction d’André Marguet).

La station du Bronze final de Tougues, avec celle de Collonge-Bellerive I, est assurément l’une des plus riches et des mieux conservées pour cette époque dans le Léman. Elle s’étend sur près d’un hectare, sous une profondeur d’eau d’environ 3 m. La séquence des couches archéologiques atteint près de 70 cm d'épaisseur et comprend trois niveaux anthropiques distincts, d'environ 15 cm chacun. Les couches organiques sont préservées dans la partie la plus au large du site, sur 2700 m². Le niveau le plus ancien est daté par dendrochronologie de 1071 à 1038 ou 1028 av. J.-C., l’occupation intermédiaire s’étend de 1017 à 962 ou 943 av. J.-C. Enfin le village le plus récent appartient à la phase de 910 à 859 av. J.-C. A noter que la date de 859/858 est aussi celle qui marque la dernière occupation littorale dans la rade de Genève (station du Plonjon).

Les objets archéologiques, principalement la céramique, recueillis en stratigraphie et ainsi attribués aux trois phases d’occupation constituent un ensemble typologique unique et bien daté pour toute la région lémanique. Dans les ensembles inférieur et moyen, on remarque les influences du groupe Rhin-Suisse-France orientale. En revanche, dans le niveau supérieur la production céramique marque une rupture typologique avec des formes plus originales. On y a également découverte une roue en frêne et en érable, datée de 905 av. J.-C.
L’ensemble des stations littorales de Chens-sur-Léman représente une série remarquable de villages littoraux, occupés principalement au Bronze final mais aussi au Néolithique final, les deux périodes les mieux représentées parmi les sites palafittiques des rives lémaniques, autant suisses que françaises. Il s’agit du seul bien français de ce lac inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
