Station littorale de l’âge du Bronze, commune de Morges (VD), sur la rive nord du lac Léman, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2011.
Le village littoral des Roseaux, au nord-est de la baie de Morges, est limité à l’est par le ruisseau du Bief. Il s’étend sous une faible profondeur d’eau sur une terrasse littorale en faible pente. Le champ de pilotis qui le signale aujourd’hui est relativement étroit et ne dépasse pas 60 m selon un axe qui va de la rive vers le large, mais son développement latéral atteint 270 m. Son occupation principale se situe à l’âge du Bronze ancien, mais une dernière phase d’habitation limitée en surface appartient à l’âge du Bronze final.
La première mention publiée de la station est due à Gustave de Bonstetten, en 1874, mais elle était vraisemblablement déjà connue des premiers savants qui explorèrent la baie de Morges en 1854, soit François Forel, Frédéric Troyon et Adolphe Morlot. Une modeste surface fut fouillée en 1984 et 1991 dans l’affleurement de la couche archéologique conservée, riche en restes végétaux et en fragments de céramique. L’analyse dendrochronologique d’un ensemble de 199 pieux de bois a livré des datations situées entre 1776 et environ 1600 av. J.-C. Quelques bois ont aussi confirmé la dernière occupation au Bronze final, avec des dates comprises entre 1056 et environ 1042 av. J.-C. La chronologie précise du développement du village est encore inconnue, car les dates d’abattages sont incertaines, pour cause d’absence des derniers cernes des bois.
Le plan de l’extension des pilotis suggère un ou plusieurs rangs de maisons, disposés parallèlement à la rive. Des lambeaux de couche archéologique sont conservés dans la partie la plus au large du site. Les seules structures conservées sont les pilotis, sans autre aménagement du sol ni couverture de galets. La station littorale est surtout connue par son mobilier archéologique exceptionnel, récolté au XIXe et au début du XXe siècle. Ce sont notamment les tasses en céramique fine richement décorées, dites de "type Roseaux", et les haches spatuliformes du même nom qui constituent la collection la plus importante de cette phase du Bronze ancien, conservée au Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne. La découverte de ces haches en bronze avait conduit le préhistorien français Gabriel de Mortillet, à la fin des années 1860, à nommer "âge morgien" une période de transition entre l’âge de la Pierre et l’âge du Bronze. Cette dénomination n’est plus en usage de nos jours. Des céramiques domestiques figurent aussi dans l’inventaire des formes de poteries. Il s’agit de grandes jarres à fond plat et à cordons à impressions digitales. Certaines formes de récipients possèdent des ressemblances avec des céramiques attribuées au Néolithique final, mais l’homogénéité de la stratigraphie semble exclure la présence d’une occupation plus ancienne que le Bronze ancien, qualifié aussi de culture du Rhône.
A moins de deux kilomètres à l’est de la station de Morges-Les Roseaux se situe celle de Préverenges-Préverenges I, l’une des rares en région lémanique attribuée avec certitude au Bronze ancien. Fouillée entre 2001 et 2003, elle a été entièrement prélevée, car menacée par l’érosion à la suite des dégâts occasionnés par l’ouragan Lothar survenu en hiver 1999-2000. Les analyses dendrochronologiques des 817 pieux récoltés ont montré deux phases d’occupation successives : de 1780/1779 à 1758 av. J.-C. et de 1629 à 1617/1616 av. J.-C. La période d’abandon de 129 ans est interprétée comme étant une brève phase de remontée des eaux. La relation de Préverenges I avec Les Roseaux paraît ainsi évidente. La contemporanéité d’occupation des deux stations est très probable: deux haches spatuliformes retrouvées dans les deux sites ont vraisemblablement été coulées dans le même moule et quelques pieux apparaissant dans les deux établissements connaissent la même phase d’abattage.