Maison d'édition basée à Einsiedeln, active sur le plan international, étroitement liée à l'Eglise catholique, l'un des plus gros employeurs du canton de Schwytz entre 1830 et 1960 environ.

Les origines de Benziger Verlag (maisons d'édition) remontent au milieu du XVIIIe siècle. A cette époque, les ancêtres des futurs propriétaires de l'entreprise exploitaient un petit magasin d'objets de dévotion et de chapelets sur le lieu de pèlerinage d'Einsiedeln. A la fin du XIXe siècle, l'année de fondation de la firme fut fixée, suivant la tradition familiale, en 1792. Johann Baptist Karl Benziger-Schädler avait alors uni pour quelque temps son magasin avec celui de l'abbaye d'Einsiedeln. En 1798, des membres de la famille Benziger reprirent, avec d'autres associés, la maison d'édition et l'imprimerie de l'abbaye, qui avait jusqu'alors contrôlé les activités éditoriales et qui venait d'être temporairement supprimée. En 1818, Josef Karl Benziger fonda la maison d'édition Josef Karl Benziger, reprise en 1833 par ses deux fils Karl et Nikolaus Benziger qui la transformèrent en une société en nom collectif (Gebr. Karl & Nicolaus Benziger). La même année, ils mirent sur pied pour la première fois une nouvelle imprimerie, suivie par des ateliers de lithographie (vers 1835), de reliure industrielle (vers 1845) et de gravure sur acier et chalcographie (1856). Ils publiaient surtout des images sacrées, des livres de prières et de la littérature populaire catholique. Vers 1860, l'entreprise passa aux mains de trois fils de chacun des deux anciens titulaires qui l'agrandirent encore en intégrant notamment d'autres procédés de reproduction comme la zincographie (1863) et la xylographie (1866). Le programme éditorial s'enrichit d'images en couleur, d'ouvrages de théologie et d'histoire de l'Eglise, de littérature et magazines populaires catholiques (par exemple l'Alte und Neue Welt). Entre 1850 et 1880, le nombre d'employés à Einsiedeln passa d'environ 500 à 900. Cette expansion eut lieu grâce aux étroites relations avec les institutions ecclésiastiques. En 1867, les Benziger et leur maison d'édition furent reconnus officiellement par le Vatican comme «typographes du Saint-Siège».

En 1853, la société ouvrit sa première filiale outre-Atlantique à New York. Les premiers contacts avec les Etats-Unis avaient été noués à partir des années 1830 par l'intermédiaire d'émigrants de la région et de missionnaires germanophones. D'autres succursales furent ensuite établies à Cincinnati (1860), St. Louis (1875), Chicago (1887), San Francisco (1929) et, temporairement, Mexico (1912). Aux Etats-Unis, la maison d'édition distribua au début surtout de la littérature populaire catholique pour les immigrées et les immigrés germanophones. A partir des années 1870, l'accent fut mis de plus en plus sur les publications en anglais. L'importation d'ornements d'église, de statues religieuses et de tissus liturgiques d'Allemagne et de France s'avéra aussi rentable. En 1894, la firme ouvrit sa propre fabrique à Brooklyn où elle produisit des articles pour l'équipement d'églises (croix, calices, candélabres). Au plan de l'organisation, la maison mère d'Einsiedeln et les filiales américaines se séparèrent en 1897.

En Europe, l'Allemagne et, en second lieu, la France furent de loin les principaux débouchés. La maison d'édition ouvrit des filiales à Waldshut (1887), Cologne (1894), Paris (1899) et Strasbourg (1912). Elle servit néanmoins aussi d'autres régions linguistiques: jusqu'à la Première Guerre mondiale, Benziger publia des livres en plus de vingt langues. Ses imprimeries et ses ateliers de lithographie et de gravure sur acier (arts graphiques) comptaient, vers 1900, parmi les plus grands et les plus modernes de Suisse. Au tournant du siècle, l'entreprise imprima également des billets de banque pour des cantons, puis pour la Confédération. En 1883, elle prit la forme d'une société en commandite. Elle devint Benziger & Co. en 1887 et fut transformée en société anonyme en 1897. Le conseil d'administration de sept membres fut au départ composé exclusivement par des membres de la famille des propriétaires.
Au début, les femmes assumèrent, comme leurs parents masculins, diverses tâches au sein de l'entreprise familiale. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, leur collaboration devint moins visible; seule exception, l'activité dans le commerce d'objets de piété, qui resta un domaine clairement féminin chez Benziger. A partir de 1897, des femmes de la famille furent également actionnaires de la société.

La Première Guerre mondiale marqua un tournant important dans l'histoire de la firme. Au début des années 1920, Benziger Verlag fut menacée de faillite et dut être complètement restructurée. En quelques années, le nombre d'employés et employées diminua de moitié et passa à moins de 300. Les Benziger se retirèrent des activités opérationnelles après cinq générations et furent remplacés par la famille Bettschart. Sous la direction d'Oskar Bettschart et Gustav Keckeis, puis de leurs fils Oscar Bettschart et Peter Keckeis, le programme éditorial subit d'importantes modifications au cours des années 1930 et surtout dans l'après-guerre. La littérature, les livres pour la jeunesse et les manuels scolaires gagnèrent de l'importance au détriment de l'édition d'images, qui avait jusqu'alors joué un rôle traditionnellement considérable. Le programme théologique progressiste par lequel Benziger Verlag donna une suite, au cours des années 1960, à l'esprit du concile Vatican II, eut un grand rayonnement. Au début des années 1980, l'entreprise connut des difficultés financières et fut rachetée, en 1984, par le groupe éditorial Rheinpfalz de Ludwigshafen. D'autres rachats s'ensuivirent et les activités éditoriales et techniques furent séparées. En 1995, le site d'Einsiedeln fut définitivement fermé.
Benziger Verlag fut le moteur du développement régional au XIXe siècle et le plus grand employeur d'Einsiedeln pendant environ 150 ans. La société bâtit la première usine à gaz de la région en 1876 et favorisa le raccordement d'Einsiedeln au réseau ferroviaire, qui eut lieu en 1877. Ses liens avec les réseaux du catholicisme transnational favorisèrent son succès économique. La maison d'édition collabora avec des écrivains, des artistes et des théologiens catholiques de renom et profita à maints égards du soutien d'institutions et de dignitaires ecclésiastiques.
